Cookie Consent by Privacy Policies website

Certificat

Certificat ICRA

Valid XHTML 1.0 Transitional

Numéro CNIL

est-on plus libre quand on renonce à ses illusions?

est-on plus libre quand on renonce à ses illusions? Sujets / La morale / La liberté /

Un début de problématisation ...

    La liberté : pourquoi faire ?
On peut poser ainsi le problème : avoir plus de libertés, est-ceêtre plus libre ?
En effet, quel sens y a-t-il à exiger plus et encore plus de libertés ? Ce « toujours plus » indique une accumulation, une consommation, quelque chose de l'ordre de l'avoir, de la possession : plus de force, plus d'idées, plus d'argent, plus de vacances... Avoir plus de libertés : mais lesquelles ? Est-ce à dire que la liberté s'obtient par petits morceaux, que l'on est plus ou moins libre ? Que la liberté ne serait donc pas une et indivisible comme le soutiennent Rousseau et Spinoza ?
Interrogez-vous sur le lien libertés et droits (au pluriel).
La liberté est « une belle idée », mais dans quel but ? Mais les libertés posent le problème non plus de manière métaphysique mais politique. Que revendique-t-on lorsque exige davantage de libertés ? Revendique-t-on plus de droits ? L'essence de la liberté est-elle de se transformer en droits ?
Le plan proposé n’est pas l’unique possible. Vous pouvez aussi développer à l’aide du texte de Descartes, « la liberté pour avoir le choix » Tout dépend de ce que vous avez vu en cours. Bon courage.
Textes :
Le « je pense » puis la parole m'ont m a n i f e s t é la liberté : je ne suis pas déterminé par un enchaînement causal, à la différence des animaux ou les êtres matériels en général. Mais la
liberté se définit-elle seulement de façon négative, comme le fait de ne pasêtre déterminé ?
Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m'a pas donné un libre arbitre, ou une volonté assez ample et parfaite; puisqu'en effet je l'expérimente si vagué et siétendue, qu'elle n'est renfermée dans aucunes bornes. Et ce qui me semble bien remarquable en cet endroit, est que de toutes les autres choses qui sont en moi, il n'y en a aucune si parfaite et siétendue, que je ne reconnaisse bien qu'elle pourraitêtre encore plus parfaite. Car, par exemple, si je considère la faculté de concevoir qui est en moi, je trouve qu'elle est d'une fort petiteétendue, et grandement limitée, et tout ensemble je me repré¬sente l'idée d'une autre faculté beaucoup plus ample, et même infinie; et de cela seul que je puis me représenter son idée, je connais sans difficulté qu'elle appartient à la nature de Dieu. En même façon si j'examine la mémoire, ou l'imagination, ou quelque autre puissance, je n'en trouve aucune qui ne soit en moi très petite et bornée, et qui en Dieu ne soit immense et infinie. Il n'y a que la seule volonté, que j'expérimente en moiêtre si grande que je ne conçois point l'idée d'aucune autre plus ample et plusétendue : en sorte que c'est elle principalement qui me fait connaître que je porte l'image, et la ressemblance de Dieu. Car encore qu'elle soit incomparablement plus grande dans Dieu que dans moi, soit à raison de la connaissance et de la puissance qui s'y trouvant jointes la rendent plus ferme et plus efficace, soit àraison de l'objet, d'autant qu'elle se porte et

s'étend infiniment à plus de choses; elle ne me semble pas toutefois plus grande, si je la considère formellement et précisément en elle-même : car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose ou ne la faire pas (c'est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir) ou plutôt seulement en ce que pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l'entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu'aucune force extérieure nous y contraigne. Car afin que je sois libre, il n'est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l'un ou l'autre des deux contraires, mais plutôt d'autant plus que je penche vers l'un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s'y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l'intérieur. de ma pensée, d'autant plus librement j'en fais le choix et je l'embrasse : et certes la grâce divine et la connaissance naturelle, bicn loin de diminuer ma liberté, l'augmentent plutôt et la fortifient. De façon que cette indifférence que je sens lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance qu'une perfection dans la volonté; car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai, et ce qui est bon, je
ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement, et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrement libre sans jamaisêtre indifférent.
R. Dsecartes, Méditations métaphysiques
Ce texte est extrait d'une réponse de Descartes à la lettre d'un de ses correspondants qui l'interrogeait à propos d'un passage de la quatrième méditation métaphysique dans laquelle il disait : « de façon que cette indifférence que je sens lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance qu'une perfection dans la volonté » (Méditations métaphysiques, Pléiade, p. 305).
L'indifférence est cetétat dans lequel se trouve la volonté lorsqu'ayant à se décider elle a le choix entre deux actions et qu'elle n'éprouve aucune inclination, ni ne perçoit de raison de choisir. Descartes juge que, concrètement, cetétat est celui de la moindre liberté. Le terme d'indifférence est d'ailleurs un terme négatif qui désigne un manque d'éléments d'appréciation plutôt qu'une disponibilité quelconque. Dans un cas d'indifférence totale je m'en remets, la plupart du temps, au hasard d'un coup de d é ou du « pile ou face », remplaçant la décision de la volonté par unévénement quelconque du monde. Inversement naa liberté ne saurait être remise en question sous prétexte que j'aie des raisons (dûmentétablies) d'agir comme je le fais. Si je n'agis pas pour des raisons conscientes, j'agis pour des causes ce qui est proprement le contraire de la vérité.
Descartes concède toutefois qu'on peut penser l'indifférence (dont il ne nie pas l'existence mais son lien avec la liberté)également comme une « faculté positive » c'est-à-dire comme la condition purement formelle de la liberté. Il faut penser une capacité toujours présente de refuser même ce qu'on juge bon ou vrai, d'affirmer envers et contre tout une « liberté » qui existe de simplement s'affirmer. Cette indifférence conçue cette fois positivement ne peut certes entraîner qu'un comportement irrationnel ou immoral puisqu'elle consiste à ne pas faire ce pour quoi nous avons des raisonsévidentes d'agir, ce qu'est pour Descartes la vraie liberté — « Moralement parlant » c'est-à-dire raisonnablement il est inadmissible que nous fassions le contraire de ce qui est raisonnablement bon. C'est « absolument parlant », c'est-à-dire sans égard à autre chose que le pur concept du libre-arbitre, que nous devons penser la possibilité d'un choix libre et irrationnel.

Descartes ne concède donc pas grand chose puisqu'il n'accorde que la possibilité théorique d'une indifférence positive. Il est certes possible que nous agissions contre toute raison afin de donner corps à cette indifférence, ou pour prouver notre liberté, mais agir afin d'établir une affirmation de soi ne pourrait guère conduire qu' à une vie vide et dénuée de sens. L'indifférence même conçue comme une volonté positive (et non comme simple absence de fondement à une décision) est donc bien encore le plus bas degré de la liberté.
Mon indécision (c'est-à-dire la liberté d'indifférence comprise en sa première acception) ne provient en effet que de mon ignorance à l'égard du meilleur parti à prendre, et ne peut donc se donner à voir comme le plus haut degré de liberté. Je suis en effet d'autant plus libre, non quand j'ai la possibilité de faire n'importe quoi, mais quand j'ai le pouvoir d'accomplir des actions efficaces, ou de ne pas me tromper, c'est-à-dire encore qUand je juge en connaissance de cause. Descartes, dans la quatrième partie des Méditations, fait pour cette raison de la liberté d'indifférence entendue comme indécision une liberté par défaut:
Cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que
vers un autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait
plutôt paraître un défaut dans la connaissance qu'une perfection dans la volonté.
Quant à la liberté d'indifférence comme capacité positive (lettre à Mesland), elle n'est positive que parce qu'elle s'affirme comme telle. Sa seule fin consiste dans le fait d'en faire usage. Aussi, sauf à supposer une volonté qui choisit le mal afin de faire usage de son libre-arbitre, c'est vers ce qu'on croitêtre le vrai ou le bien que l'on porte ses choix. Une volonté sera donc d'autant plus libre qu'elle se déterminera en fonction de ce qu'elle sait être le vrai ou le bien, au lieu de l'ignorer et de choisir arbitrairement. La liberté d'indifférence s'assimile donc davantage à l'errance qu' à une réelle liberté. Aussi Descartes affirme-t-il dans la quatrième méditation :
[qu']afin que je sois libre, il n'est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l'un ou l'autre des deux contraires ; mais plutôt, d'autant plus que je penche vers l'un, soit que je connaisseévidemment que le vrai et le bien s'y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l'intérieur de ma pensée, d'autant plus librement j'en fais choix et je l'embrasse.
La vraie liberté, loin d'être celle qui résulte de l'indétermination de la volonté, est celle où la volonté estéclairée par l'entendement, et est ainsi déterminée. Ainsi la liberté d'indifférence n'est-elle qu'une piètre liberté, nous exposant sans cesse au risque de l'erreur.Être véritablement libre, c'est donc vouloir nécessairement ce qui est vrai ou bon.
Le libre-arbitre divin est pouvoir de création ex nihilo. Mais est-il possible d'assimiler la liberté d'indifférence, quand bien même elle serait chez l'homme le plus bas degré de la liberté, à un commencement absolu à partir de rien ? Si la liberté d'indifférence est totalement indéterminée, d'o ù la volonté reçoit-elle
La libert é d'indifférence n'est donc pas le fondement métaphysique indispensable à l'idée de liberté. Une volonté se détermine en dernière instance toujours en fonction de quelque chose, que ce soit le vrai, le bien, ou un ensemble de pulsions restées inconscientes. Mettre en cause la libert é d'indifférence n'est cependant pas mettre en péril l'idée de liberté, puisque celle-ci peut se laisser penser en relation avec J'idée de nécessité. Il reste que la capacité qu'a l'âme de penser le déterminisme la place dans une position de recul par rapport à lui et semble du même coup en faire le lieu d'une liberté privilégiée. Si dans la connaissance des causes, l'âme comprend et avance selon ses propres lois, et est ainsi source de ses pensées, il semble qu'elleéchappe à l'idée d'une détermination. Enfin, l'incapacité dans laquelle on se trouve de penser rationnellement le libre-arbitre ne doit peut-être pas entraîner sa négation, si l'on veut sauvegarder l'idée d'une expérience morale. Les notions de responsabilité, de mérite, de mal... n'ont de sens qu' à supposer l'existence d'un libre-arbitre, en dépit des déterminations qui orientent pourtant mes actions. C'est pourquoi l'impossibilité de penser le libre-arbitre dans la sphère théorique n'empêche pas, comme le montre Kant dans la Critique de la raison pure (« des raisonnements dialectiques de la raison pure », chap. II, 9e section, III, PUF, p. 405-406), la nécessité de le postuler dans la

sphère pratique. Seule la sphère de la moralité peut en effet révéler la libert d'indifférence comprise comme libre-arbitre.
SPINOZA
La réflexion commune tend à identifier libre-arbitre et liberté, et ne comprend cette dernière que comme la capacité de se soustraire de toute détermination. Elle oppose libert é et n é cessit é , parce que la libert é d'indiff é rence est l'indéterminé par excellence, et fait du même coup de la liberté d'indifférence la racine même de toute liberté. Mais la liberté d'indifférence est-elle le fondement métaphysique de la liberté ? Il est à noter que d'un autre côté, les hommes qui nous paraissent libres ne sont pas nécessairement ce'tix qui sont totalement ind é termin é s, mais ceux au contraire qui accomplissent ce pour quoi ils semblentêtre faits. Sera dit libre celui qui réussit àêtre pleinement lui-même.
Dans un contexte spinoziste, cela signifie qu'est libre celui qui coïncide avec son essence ou, pour le dire autrement, qui exprime sa nécessité propre.
J'appelle libre une chose qui est et agit par la seule nécessit é de sa nature ; contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir d'une certaine façon déterminée. (« Lettre LVIII », Ouvres 4,éd. GF, p. 303)
Plus unêtre est nécessaire, c'est-à-dire est parfaitement soi-même, plus il est libre (Dieu comme ensemble des modes est ainsi l'être nécessaire et libre par excellence). Mais chez Spinoza, tout homme, en ce qu'il est une partie de l'étendue, est soumis à l'enchaînement des Causes, et est nécessairement déterminé par une extériorité qui vient alors faire obstacle à sa nécessité interne. C'est ce qui explique que l'homme est soumis à des passions, c'est-à-dire qu'il est la cause inadéquate de ce qui se passe en lui.Être délivré de la passion et donc de la servitude consiste du coup à devenir la cause adéquate de ce qui se passe en nous. Comment dès lors l'homme peut-ilêtre véritablement lui-même et ainsi ê tre v é ritablement libre Il doit s'efforcer de parvenir à une connaissance claire et distincte de ses affections, pour qu'elles cessent d'être des passions. Ainsi, un homme qui subit un amour passion devra, après en avoir eu une connaissance claire et distincte, récupérer l'énergie présente en cet amour et affirmer par l à son essence. Car (Éthique, IV, proposition LIX), « à toutes les actions auxquelles nous sommes déterminés par une affection qui est une passion, nous pouvonsêtre déterminés sans elle par la raison ». Il faut pour ce faire s'attacher à connaître les lois de la nature, l'enchaînement nécessaire des causes ; seule cette compr é hension pourra me permettre de trouver une harmonie entre ma nécessité interne et la nécessité externe. Elle est le point de départ d'une libération par rapport à tout ce qui entrave l'affirmation de monêtre propre et de ma liberté. Ce que ce long développementétablit, c'est que la négation de la liberté d'indifférence, loin de rendre impossible toute forme de liberté, permet au contraire de parvenir à la liberté véritable, qui consiste àêtre parfaitement soi-même, dans un accord avec les déterminations extérieures (et non dans une indépendance par rapport à elles). Si le libre-arbitre a la nécessité pour

contraire, tel n'est pas le cas de la liberté, qui ne se comprend chez Spinoza qu'en référence à elle, dans le refus de la liberté d'indifférence.
Parvenir à la connaissance adéquate de mes affections et vivre selon la raison me permet certes d'augmenter ma puissance. La conduite rationnelle ne ressemble pas du dehors à la conduite passionnelle. Il reste que notre puissance est limitée, du fait de celle des causes extérieures. C'est pourquoi, face aux événements qui viennent contrarier notreêtre propre, et que nous ne pouvons • éviter, Spinoza (Éthique, IV, chap. XXXII) fait allusion à un contentement de l'âme purement intérieur. Il s'agit de supporter d'uneâmeégale lesévénements qui nous sont contraires. On peut dès lors affirmer que l'âme peut en quelque sorte rester libre en adoptant une indifférence face aux choses extérieures. On est tout près ici (et bien que Spinoza s'oppose ailleurs à la doctrine stoïcienne) de l'idée stoïcienne d'après laquelle il faut se détacher des choses qui ne dépendent pas de nous', afin de trouver le souverain-bien. C'est l'indifférence du sage qui est garante de sa liberté. La liberté du sage est donc bien liberté d'indifférence, non pas cependant en ce qu'elle se confond avec le libre-arbitre, mais en ce qu'elle s'obtient par la systématisation d'une indifférence à l'égard des choses sur lesquelles nous n'avons en dernière instance aucun pouvoir.
La nécessité selon Spinoza Analysons, chez Spinoza, le mécanisme de cette conversion de la nécessité en liberté.Être libre, ce serait pour Spinozaêtre la cause adéquate de ses actes. Or, nous ne sommes pas spontanément la cause entière de nos actes. Nous sommes desêtres finis et faibles dans la nature, et nous sommes d'abord esclaves, c'est-à-dire que nos actes expriment notre peur de tout ce qui nous menace, bien avant de refléter nos volontés. La joie qui exprime l'accroissement de notre pouvoir est plus rare dans la vie que la tristesse qui reflète la diminution de notre puissance,écrasée par les forces aveugles de l'univers. Souvent, les actes des hommes apparaissentétranges parce qu'ils dépendent à la fois de leurs désirs et des causes extérieures. Ainsi, bien que notre désir le plus profond soit de persévérer dans l'existence, il y a des hommes qui se suicident. Ou bien l'avare, obsédé par l'appétit de l'or, se prive des biens les plus nécessaires à la vie, quoique le seul avantage que puisse assurer la possession de l'or soit la satisfaction de nos besoins. A tout moment, la souffrance, la mort même nous menacent. «Nous sommes agités de bien des façons par les causes extérieures et pareils aux flots de la mer, agités par les vents contraires, nous flottons inconscients de notre sort et de notre destin'.» (Spinoza, Ethique)

La liberté spinoziste Comment convertir en liberté cette servitude originelle de la condition humaine ? Pourêtre libre, il
estcompréhensionfaudrait que l'homme n'accomplisse que des actions déterminées par sa nature même et non plus par
de la nécessité les causes extérieures : «J'appelle libre une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature, contrainte celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir2.» Mais, encore une fois, comment l'homme, si fragile dans l'immense univers, parviendra-t-il à se libérer ?
Ici, Spinoza propose une solution qui est celle de la «sagesse» antique. Pourêtre libre dans l'univers, il suffit d'accepter l'univers ; on ne peut pas avoir tout ce qu'on veut; on se libérera, dès lors, en voulant ce que l'on a. Mais comment accepter tout ce qui nous arrive ? Spinoza répond : par l'intelligence ; pourêtre libéré, il me suffit de comprendre que tout ce qui m'arriveétait nécessaire, de coïncider par mon intelligence avec cette nécessité inéluctable. Si le malheur me frappe, quand j'aurai compris que l'enchaînement des causes et des effets dans l'univers (la concatenatio omnium rerum) rend ce malheur inévitable, je serai apaisé, je cesserai de pâtir, d'envisager mes souffrances sous l'angle borné de mon individualité, pour les considérer du point de vue de la totalitdu point de vue de la liaison de toutes choses (c'est-à-dire, dans le langage de Spinoza, qui confond Dieu et la nature, du point de vue de Dieu). Et je pourrai atteindre non seulement le calme mais la parfaite béatitude en comprenant que «tout découle de l'éternelle détermination de Dieu avec la même nécessité qu'il découle de l'essence du triangle que la somme de ses trois angles estégale à deux droits'».
La liberté se réduit en somme pour Spinoza à la conscience de la nécessité. Mais il nous semble difficile de réduire la liberté à la résignation
Pour Spinoza, se libérer, n'est-ce pas se transformer en esclave volontaire ? Les esclaves de l'univers –que nous sommes tous – seraient-ils d'autant plus libres que leur soumission serait plus intérieure et plus totale ? Cette théorie porte la marque d'un siècle o ù le développement des techniquesétait encore rudimentaire, o ù l'homme n'avait pas encore un grand pouvoir sur la nature.

Au xxe siècle, une telle attitude de résignation n'est plus suffisante. Elle serait même un peu anormale. Poussée à la limite, elle découragerait toute action concrète. A quoi bon tenter une entreprise si le résultat, quel qu'il soit, doitêtre accepté comme inévitable ? Certains caractères faibles préféreront même se résigner d'avance. C'est la «résignation présomptive» décrite par des psychiatres allemands, celle du candidat qui, craignant l'échec, ne se présente pas à l'examen, celle du commerçant qui se suicide avant la faillite. Ainsi Gribouille devance la pluie qui pourrait le mouiller, en se jetant dans la rivière. Courir au-devant de la fatalité n'est pas se libérer. Pour se libérer vraiment, il faut dépasser ce «complexe de Gribouille».
[Introduction]
La liberté,écrit Paul Valéry, est un mot qui a « fait tous les métiers ». C'est à l'origine la libertas,état de celui qui n'est pas esclave, qui n'est pas contraint par un autre. C'est aussi une notion métaphysique qui interroge l'homme sur le libre arbitre, faculté de choisir et de se déterminer selon la raison. Et puis, c'est la liberté civile qui prend la forme de droits civils, définis par les lois.
Pourquoi, alors, ne pas se contenter des libertés que l'on a déjà ? Quelle finalité poursuit-on en voulant plus de libertés ? La liberté, pourquoi faire ? Cela signifie-t-il que plus on a de libertés, plus on a de droits, et ce sans limite ? Cela veut-il dire alors que nous ne sommes jamais entièrement libres, et que la liberté est une quête sans fin?
La conquête des libertés
« Liberté,Égalité, Fraternité » sont les valeurs de la démocratie, la libertéétant le symbole par excellence de la République. La statue de la Liberté ouvre les portes de l'Amérique.
Depuis 1789, les hommes ont non seulement conquis la liberté, mais des libertés : libertés politiques, intellectuelles,économiques, sociales, religieuses... Ces libertés sont liées à l'acquisition de nouveaux droits individuels, comme les droits de la femme, la liberté sexuelle, le choix de son conjoint, de son temps libre, etc.
Libertés politiques, libertés de penser, libertéséconomiques sont les trois visages du libéralisme qui se déploie en Occident à partir des xvI-xvII è siècles. Descartes, exilé aux Provinces-Unies (les Pays-Bas), admirait la tolérance de ce pays, l'un des premiers pays au monde à s'être doté d'une république respectueuse des droits de l'individu. Dans ce pays, tolérance religieuse, liberté de penser, allaient de pair avec les libertéséconomiques du capitalisme naissant.
L'idée que la fin de l'État n'est pas « la puissance et la gloire » mais la liberté des individus, libres de penser, de circuler, de vivre comme ils veulent dès lors qu'ils ne menacent pas la liberté d'autrui, va pénétrer les esprits (cf. texte de Spinoza). En 1679, en Angleterre, la loi sur l'Habeas corpus protège les individus contre les arrestations arbitraires, et garantit les libertés fondamentales des personnes contre l'arbitraire du pouvoir.
En 1789, le premier article de la Déclaration des droits de l'hommeénonce que : « Tous les hommés naissent libres etégaux en droits ». Pourtant, ce n'est qu'en 1848 que l'esclavage sera aboli, en 1881 que sera mise en place la loi sur la liberté de la presse et sur la liberté de réunion, en 1884 la loi sur la liberté syndicale, et en 1901 la loi sur la liberté d'association.
Toute une série de droits et de pratiques qui nous paraissent aujourd'huiévidents, comme le droit de circuler librement, de choisir son métier, sont le résultat de conquêtes historiques. Pour les obtenir, des individus se sont battus, ont revendiqué, ont réclamé plus de droits que ceux qu'ils avaient. Grâce à eux, nous avons le droit de voter, de faire grève, de publier, de parler, de faire du commerce, d'avoir des congés payés, la sécurité sociale, le droit à l'éducation, etc.

Mais que sont ces droits si, dans la réalité, nous n'avons pas la possibilité matérielle de les exercer ? Qu'est-ce que le droit au loisir pour quelqu'un qui est au chômage ? Qu'est-ce que le droit au logement pour ceux qui s'entassent dans des habitations insalubres (problème du saturnisme, par exemple) ou pour ceux qu'on met àla rue alors qu'ils n'ont pour seul toit qu'une chambre « squattée » ? Quel est ce droit à l'éducation si tous les enfants n'ont pas la même possibilité d'étudier dans de bonnes conditions ? Revendiquer plus de libertés, c'est donc revendiquer la mise en place effective des droits, au quotidien. Concrètement, quelle est la liberté d'agir dans la cité ?
Si l'on recherche toujours plus de libertés, c'est sans doute parce que les libertés acquises sont toujours fragiles : le fait de revendiquer des libertés supplémentaires n'est-il pas une conséquence psychologique de la peur de manquer concrètement de libertés ?
La philosophe Hannah Arendt pensait que l'homme est libre avant d'agir, c'est-à-dire lorsqu'il effectue des choix, mais que, dès qu'il est engagé dans l'action, il devient prisonnier des contraintes liées à cette action: la liberté piège l'homme dès qu'il en fait usage. Il y a alors un paradoxe: la « belle idée » qu'est la liberté ne s'éprouve que dans l'action, qui est au centre de la vie sociale, mais en même temps, les contraintes individuelles et collectives, sociales, les lois, les règlements, les institutions, sont les bornes de la liberté.
La liberté est « ce bien qui fait jouir des autres biens », comme le disait Montesquieu. Ainsi, l'objectif de la revendication de toujours plus de libertés, serait de jouir encore plus des autres biens ? Mais plus de libertés pour qui ? pour moi ? pour tous ? Quelle est la nature des divers rapports que les citoyens entretiennent entre eux et avec le pouvoir ?
Au nom de quoi restreindrait-on les libertés ? et une démocratie peut-elle restreindre les libertés ?
Les libertés et le problème
Les droits de l'homme sont les libertés de l'homme. L'essence de la liberté est-elle de se transformer en droits ? Exiger plus de libertés pour obtenir plus de droits ? Est-ce ce que l'on recherche ? La sociétéévolue et, parallèlement, le droit doit accompagner ce changement, parfois même il doit essayer de l'anticiper. Par exemple, jusqu'où un chercheur a-t-il le droit d'aller en matière de manipulation génétique ? Doit-il revendiquer la liberté de chercher ou la société doit-elle res¬treindre cette liberté ?
Il y a aujourd'hui des choix à faire qui engagent l'humanité tout entière : la démocratie a pour fondement la liberté, et chaque citoyen a le droit et le devoir de s'exprimer. Le pluralisme des opinions introduit la « quête du consensus ». Il devient de plus en plus délicat de trouver le «juste équilibre ». L'exemple des greffes d'organes, l'utilisation des biotechnologies à des fins commerciales, mais aussi les sites racistes, pornographiques sur Internet, posent la question de savoir s'il faut « toujours plus » de libertés. Ne risque-t-on pas de vider de son contenu ce qui fait le fondement de la démocratie, et de se retrouver dans une société genre « Big Brother », issue de 1984, le célèbre roman de George Orwell ?
La société doit-elle protéger l'individu contre lui-même ? Peut-on revendiquer toujours plus de libertés sans mettre en danger le « vivre ensemble » et les mécanismes de solidarité ? Les bornes sont ici très délicates àétablir. Peut-on vivre dans une société o ù les individus auraient toutes les libertés, tous les droits, sans aucun devoir, c'est-à-dire sans aucune obligation vis-à-vis d'autrui ?
Conclusion
Les libertés sont une notion juridique. En les conquérant, les hommes les ont inscrites dans les réalités quotidiennes. La liberté, pourquoi faire ? Il faut toujours rester vigilant, afin de ne jamais perdre les libertés démocratiques. Mais il y a un fantasme de la liberté totale. L'anarchiste revendique « la liberté ou la mort », mais Hegel affirme que l'esclavage est l'état de celui « qui a préféré la vie à la liberté ». Reste à l'homme à espérer un jour réconcilier la liberté et la loi : c'est ce que recherche la philosophie depuis Socrate.

Autre solution
Dans la vie courante, l'illusion est toujours décriée : on reproche à autrui de se faire des illusions, ou de se raccrocher à des illusions. Mais personne ne se reconnaît directement la proie d'une illusion : l'illusion, du latin illudere, signifie étymologiquement « ce qui se joue de nous », ce dont on est le jouet. D'où vient la puissance de l'illusion sur l'esprit humain ? L'homme semble se tourner vers l'illusion pour y chercher la satisfaction d'un besoin que la réalité est impuissante tant à éteindre qu'à réaliser. Là où la vérité est prosaïque et toujours décevante, l'illusion nous enchante et nous berce. Comment dès lors ne pas préférer l'illusion heureuse à la vérité cruelle ou triste ?
La volonté de savoir, dont l'homme est porteur, trouve sa satisfaction
dans la vérité, mais non pas la soif de vivre. S'il ne s'agit que de donner sa préférence, c'est-à-dire d'obéir au principe de plaisir, celle-ci ira toujours à l'illusion, qui flatte nos désirs. L'homme préférera toujours l'illusion qui rassure à la vérité qui dérange. Mais le fait que l'homme ne puisse s'abandonner à une illusion sans la prendre pour la vérité, le fait qu'il ne puisse se satisfaire de l'illusion dès qu'il l'a reconnue comme telle, manifeste qu'il est aussi porteur d'une autre exigence, l'exigence de la vérité qui seule peut satisfaire sa raison. Entre la vérité et l'illusion, il ne s'agit pas de préférer : la vérité est précisément ce qu'on ne choisit pas, mais qui s'impose à la raison. L'homme, être de désirs mais aussi être raisonnable, est inévitablement tiraillé entre ce que sa pensée lui apprend et ce à quoi son désir aspire. Si la folie consiste à nier cet écart, l'action, c'est-à-dire la vie elle-même, consiste à travailler à le réduire.


Obtenir un corrigé personnalisé du sujet de philosophie : est-on plus libre quand on renonce à ses illusions?

Vous devez traiter ce sujet ?

Obtenir le corrigé de est-on plus libre quand on renonce à ses illusions? Notre équipe de professeurs de philosophie se propose de réaliser pour vous un véritable corrigé de "est-on plus libre quand on renonce à ses illusions?". Votre sujet de philo sera traité selon les indications que vous fournirez. Vous pouvez même spécifier le délai sous lequel vous souhaitez recevoir votre correction. Vous recevrez votre corrigé par email, en toute simplicité, dés que votre sujet aura été traité.

Obtenir ce corrigé - Fonctionnement de MaPhilo.net

Discuter de ce sujet

Souhaitez-vous commenter ce sujet, pour obtenir de l'aide de la part des autres visiteurs ou, au contraire, en offrir ?

Sujets similaires :

puce en quoi suis-je libre quand je ris ? - La liberté
puce Suis-je libre quand j'aime? - Autres sujets..
puce Suis-je libre quand j'aime? - L'Amour
puce Sommes-nous libre quand on a besoin de l'aide ? - La liberté
puce FAIRE SON DEVOIR ,EST-CE RENONCE A SA LIBERTE? - Autres sujets..




Citations sur est-on plus libre quand on renonce à ses illusions? :

puce Parler de libre arbitre reviendrait à  dire que l'on renonce à  comprendre scientifiquement. - Max Planck
puce La vie est faite d'illusions. Parmi ces illusions, certaines réussisent. Ce sont elles qui constituent la réalité. - Jacques Audiberti
puce Le logiciel, c'est comme le sexe, c'est meilleur quand c'est libre/gratuit ... - Linus Torvalds
puce Quand la vie doit la vie à  la fuite, on ne vit plus qu'à  moitier. On est dominé, soir par le souvenir de la peur, soit par la honte. On n'est plus un homme libre. - Seydou Kouyate Badian
puce Pour juger un homme, il faut examiner sa conduite quand il est sain et libre : malade ou en prison, il n'est plus le même. - Giacomo Girolamo Casanova