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peut-on trouver seul la vérité ?

peut-on trouver seul la vérité ? Sujets / La raison et le réel / La vérité /

Un début de problématisation ...

    Problème : il est différent selon qu’il s’agit de trouver la vérité sur soi ou bien la vérité dans le domaine de la connaissance.

VÉRITÉ Alors même qu'il s'efforce de le restituer avec fidélité, le vrai n'est pourtant pas le réel. Tandis que la réalité est par définition indépendante de l'homme, la vérité est toujours de l'ordre du discours ou encore de la représentation. Préoccupation essentielle de la recherche philosophique, la vérité n'est donc ni un fait, ni un donné. Au contraire, elle doit toujours être recherchée. Nous sommes alors renvoyés au problème de ses conditions d'accès, et à celui des critères du jugement vrai. La vérité constitue également une exigence ou encore une valeur. -La recherche de la vérité en question Le projet de recherche de la vérité est constitutif de la réflexion philosophique, et c'est par lui que, dès l'origine, celle-ci s'est définie dans la Grèce antique. La philosophie de Platon* illustre à merveille la triple idée autour de laquelle se formule le projet de vérité. 1. Ce projet a un sens: l'effort de l'esprit humain pour parvenir à une authentique vérité peut être couronné de succès. 2. Une vérité n'est telle que si celui qui l'énonce ne répète pas comme un perroquet un savoir étranger. Tel est le sens de la maïeutique* de Socrate*: on n'enseigne pas la vérité comme on remplirait un vase vide; connaître la vérité, c'est, par un véritable "accouchement de l'esprit" (maïeutique), la retrouver comme au fond de soi, c'est-à-dire se l'approprier. 3. La vérité se définit par sa permanence et son universalité, et en cela ne doit nullement se confondre avec la relativité et l'inconstance des opinions humaines. Il faut donc distinguer vérité et connaissance. Ce qui est vrai aujourd'hui le sera demain et toujours -et l'est pour tous- ou ce n'est pas, à proprement parler, une vérité. Ce n'est donc pas parce que la variabilité des opinions est un fait qu'une vérité objective et universelle est impossible. Ce qui est impossible, au contraire, c'est d'affirmer "à chacun sa vérité", puisqu'on l'affirme... comme une vérité. Cela n'empêche pas qu'on puisse légitimement dire "à chacun ses opinions", mais il faut opérer une distinction critique entre l'opinion*, ou vérité prétendue, et la vérité ou opinion certifiée. Une telle recherche de la vérité peut-elle espérer aboutir? C'est ce que conteste le scepticisme*, lequel veut substituer à l'affirmation "dogmatique" de la possession du vrai une attitude de doute* et d'examen. Il serait évidemment contradictoire de dire que le scepticisme* est... dans le vrai, et l'on n'a pas manqué de lui reprocher cette apparente incohérence. Il a cependant une valeur, qui est de nous inciter à la modestie. En nous enseignant que nos croyances ne sont pas ces vérités assurées pour lesquelles nous les prenions, le scepticisme nous empêche, à sa manière, de nous laisser bercer par les charmes sécurisants des "vérités toutes faites", des fausses certitudes*, c'est-à-dire de l'opinion. -Définitions et critères 1. Définitions de la vérité. Tout le monde semble s'accorder depuis Thomas d'Aquin*, au XIII^e siècle, pour définir la vérité comme correspondance ou adéquation: adéquation entre l'intelligence qui conçoit, entre l'esprit et la réalité. En d'autres termes, la proposition "il neige", par exemple, est vraie si et seulement si, en fait, il neige. Cette définition comporte une conséquence importante: la vérité est une propriété du langage*, non du réel. "Vrai" et "faux" sont des qualificatifs qui s'appliquent non pas à des choses, mais à des propositions. On parle pourtant d'or "faux", de "vrai" ami, etc. Mais l'or "faux" est tout aussi réel que l'or véritable. Seulement, ce n'est pas de l'or, mais, par exemple, du cuivre doré. Ce qui est "faux" alors, c'est la proposition implicite: "Ceci est de l'or". La définition de la vérité comme correspondance ne fait pourtant pas l'unanimité. On peut lui opposer d'autres définitions, notamment celle qui caractérise la vérité en termes de cohérence. Selon cette conception, une théorie scientifique, par exemple, sera dite vraie, non pas si elle correspond aux faits, mais si les propositions qui la constituent forment un ensemble cohérent, c'est-à-dire si elles sont compatibles entre elles. Cependant, la théorie de la "vérité-cohérence" semble difficile à soutenir: l'accord de la pensée avec elle-même est bien une condition nécessaire de la vérité (car on ne peut se contredire et énoncer une vérité), mais non une condition suffisante. Nos pensées peuvent être entre elles cohérentes et en contradiction avec la réalité. Mais la théorie de la "vérité-correspondance" suscite elle aussi des difficultés. D'une part, l'idée de correspondance suppose que les faits auxquels nos propositions ou nos croyances doivent correspondre sont disponibles indépendamment de notre langage. Or, rien n'est moins sûr. Toute tentative de parler du monde n'en est-il pas déjà une interprétation*? D'autre part, qu'est-ce, pour une croyance, d'être "en accord" avec les faits? Cela signifie-t-il qu'une pensée vraie est la copie fidèle du réel, ou, comme le soutient le pragmatisme* (cf. W. James), qu'elle permet d'agir efficace-ment sur lui? Il importe sans doute que nos idées augmentent notre puissance d'agir; mais le pragmatisme a tort de faire du succès une règle du vrai. Cette règle, il faut la chercher, au contraire, dans l'art de la preuve*. Il n'y a pas de vérité sans vérification*. 2. Le problème du critère de la vérité. À quoi reconnaît-on la vérité? À cette question, la plupart des philosophes classiques ont suivi Descartes* pour répondre: à l'évidence* des idées vraies. Cela signifie, comme l'affirmait Spinoza*, que la vérité est index sui, qu'elle se montre d'elle-même, par sa seule clarté: "Qui a une idée vraie sait en même temps qu'elle est vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance" (_Éthique_, II, 43). Mais peut-on tout reconnaître par évidence? Ce n'est pas nécessaire. Il suffit de connaître par évidence les premiers principes de la connaissance -les vérités premières- et d'établir toutes les autres par démonstration*, c'est-à-dire en les déduisant de proche en proche à partir des premières. Ainsi, pour Descartes, l'intuition* -c'est-à-dire l'évidence- et la déduction* sont les deux seules voies qui conduisent à la vérité. L'ordre du vrai aurait donc un modèle: l'ordre géométrique, tel qu'Euclide*, dès l'Antiquité, l'avait formalisé dans ses _Éléments de géométrie_. Mais le critère de l'évidence s'est heurté à deux objections. La première fut formulée par Leibniz*: l'évidence est un critère peu fiable, car trop subjectif. Elle se définit par le fait que la représentation d'une idée s'accompagne d'un sentiment de certitude; mais quel crédit accorder à ce sentiment? Chacun de nous a fait l'expérience d'évidences trompeuses. Comment, alors, peut-on distinguer l'évidence de ses faux-semblants? La deuxième objection résulte du développement des sciences expérimentales: on ne peut traiter le monde physique comme un système mathématique et se contenter de déduire ses lois à partir d'axiomes "évidents". Dans le domaine des sciences de la nature, le critère de la vérité doit être l'observation des faits. Il faudrait donc distinguer deux types de critères: les vérités purement formelles d'une part, les vérités expérimentales ou empiriques d'autre part. -La vérité comme valeur Pourquoi donc vouloir la vérité? Vaut-elle même d'être recherchée? Ne peut-on lui opposer des valeurs plus hautes, la vie par exemple? Nietzsche* osa poser ces questions radicales. Leur mérite est au moins d'obliger à assumer le caractère moral de l'exigence de vérité. La vérité est un choix: nous pouvons vouloir l'erreur*, l'illusion*, le mensonge*, parce que nous pouvons aimer d'autres choses plus que la vérité (le plaisir, le pouvoir, l'action...); et parce que nous pouvons aussi refuser de voir dans l'effort de la raison vers la vérité le signe de notre dignité d'hommes. Descartes lui-même reconnaissait qu'on peut nier l'évidence. En ce sens, le problème de la vérité n'est pas seulement de la définir ou d'en énoncer les conditions, mais relève avant tout de notre liberté*. TERME VOISIN: validité. TERMES OPPOSÉS: fausseté; mensonge.
L'ALLÉGORIE DE LA CAVERNE Nous sommes en présence d'une "allégorie", c'est-à-dire qu'aucun élément du récit proposé n'est gratuit mais renvoie toujours à une signification abstraite. Pour comprendre l'histoire qui nous est racontée, il convient donc de la déchiffrer, de l'interpréter: toute cette aventure qui met en jeu le regard et la vision trouvera une traduction en termes d'opérations de la connaissance. Par ce modèle d'éducation philosophique, Platon enseigne à l'âme le moyen d'atteindre à des vérités supérieures. Platon, _République_ (entre 335 et 370 av. J.C.), livre VII, 514a-517c, trad. É. Chambry, Paris, Gonthier, coll. "Médiations", 1966, pp. 216-219: "SOCRATE. -Maintenant, représente-toi notre nature, selon qu'elle est ou qu'elle n'est pas éclairée par l'éducation, d'après le tableau que voici. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine en forme de caverne, dont l'entrée, ouverte à la lumière, s'étend sur toute la longueur de la façade; ils sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou pris dans des chaînes, en sorte qu'ils ne peuvent bouger de place, ni voir ailleurs que devant eux; car les liens les empêchent de tourner la tête; la lumière d'un feu allumé au loin sur une hauteur brille derrière eux; entre le feu et les prisonniers, il y a une route élevée; le long de cette route, figure-toi un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent entre eux et le public et au-dessus desquelles ils font voir leurs prestiges. GLAUCON. -Je vois cela. S. -Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des ustensiles de toutes sortes, qui dépassent la hauteur du mur, et des figures d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois, de toutes sortes de formes; et naturellement parmi ces porteurs qui défilent, les uns parlent, les autres ne disent rien. G. -Voilà un étrange tableau et d'étranges prisonniers. S. -Ils nous ressemblent. Et d'abord, penses-tu que dans cette situation ils aient vu d'eux-mêmes et de leurs voisins autre chose que les ombres projetées par le feu sur la partie de la caverne qui leur fait face? G. -Peut-il en être autrement s'ils sont contraints toute leur vie de rester la tête immobile? S. -Et des objets qui défilent, n'en est-il pas de même? G. -Sans contredit. S. -Dès lors, s'ils pouvaient s'entretenir entre eux, ne penses-tu pas qu'ils croiraient nommer les objets réels eux-mêmes, en nommant les ombres qu'ils verraient? G. -Nécessairement. [...] S. -Il est indubitable qu'aux yeux de ces gens-là, la réalité ne saurait être autre chose que les ombres des objets confectionnés. G. -C'est de toute nécessité. S. -Examine maintenant comment ils réagiraient, si on les délivrait de leurs chaînes et qu'on les guérît de leur ignorance, et si les choses se passaient naturellement comme il suit. Qu'on détache un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser soudain, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière, tous ces mouvements le feront souffrir, et l'éblouissement l'empêchera de regarder les objets dont ils voyaient les ombres tout à l'heure. Je te demande ce qu'il pourra répondre, si on lui dit que tout à l'heure il ne voyait que des riens sans consistance, mais que maintenant, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste: si, enfin, lui faisant voir chacun des objets qui défilent devant lui, on l'oblige à force de questions à dire ce que c'est? Ne crois-tu pas qu'il sera embarrassé et que les objets qu'il voyait tout à l'heure lui paraîtront plus véritables que ceux qu'on lui montre à présent? G. -Beaucoup plus véritables. [...] S -Et si on le tirait de là par force, qu'on lui fît gravir la montée rude et escarpée, et qu'on ne le lâchât bas avant de l'avoir traîné dehors à la lumière du soleil, ne penses-tu pas qu'il souffrirait et se révolterait d'être ainsi traîné, et qu'une fois arrivé à la lumière, il aurait les yeux éblouis de son éclat, et ne pourrait voir aucun des objets que nous appelons à présent véritables? G. -Il ne le pourrait pas, du moins tout d'abord. S. -Il devrait en effet s'y habituer, s'il voulait voir lé monde supérieur [...] À la fin, je pense, ce serait le soleil lui-même qu'il pourrait regarder et contempler tel qu'il est. G. -Nécessairement. [...] S. -Maintenant il faut, mon cher Glaucon, appliquer exactement cette image à ce que nous avons dit plus haut: il faut assimiler le monde visible au séjour de la prison, et la lumière du feu dont elle est éclairée à l'effet du soleil; quant à la montée dans le monde supérieur de la contemplation de ses merveilles, vois-y la montée de l'âme dans le monde intelligible [...]. Aux dernières limites du monde intelligible est l'idée du Bien, qu'on n'aperçoit qu'avec peine, mais qu'on ne peut apercevoir sans conclure qu'elle est la cause universelle de tout ce qu'il y a de bien et de beau; que dans le monde visible, c'est elle qui a créé la lumière et le dispensateur de la lumière; et que dans le monde intelligible, c'est elle qui dispense et procure la vérité et l'intelligence." -L'état initial: ignorance et impuissance Il faut d'abord bien noter, dans la description de Platon, que tout est souterrain: les prisonniers, les marionnettistes, le feu, le chemin, le petit mur sont tous -à des hauteurs différentes, bien sûr- dans la caverne où la lumière du jour parvient à peine à filtrer. Platon décrit ici notre condition première d'hommes plongés dans le monde matériel et visible: nous n'y voyons jamais que des reflets trompeurs (projetés par des manipulateurs d'opinion) que l'habitude nous fait prendre pour la réalité même. Ce monde-là nous rend tous prisonniers des apparences. -L'arrachement au sensible et la montée vers l'intelligible L'âme, douloureusement contrainte par un éducateur à se délivrer de ses erreurs, reste d'abord hébétée et stupéfaite, sans repères: elle ne saurait plus dire ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Le premier moment de l'éducation philosophique est donc négatif et critique. Mais, au moins, l'âme ne se repose plus sur de fausses certitudes. Elle apprendra à se tourner et à s'élever vers le principe des choses et de son intelligence des choses: l'idée du Bien. DOUTE (n. m.) ÉTYM.: latin dubitare, "balancer". SENS ORDINAIRE: état d'esprit provenant d'une absence de certitude. PHILOSOPHIE: attitude réfléchie, volontaire et critique; suspension du jugement devant ce qui se présente comme une vérité, afin de l'examiner et d'en mettre à l'épreuve le bien-fondé. ÉPISTÉMOLOGIE: selon Claude Bernard, qualité fondamentale de l'investigation scientifique, qui vise à ne pas prendre des conclusions momentanées pour des vérités absolues. D'un point de vue philosophique, il faut distinguer deux sortes de doute: le doute sceptique et le doute méthodique. 1. Le doute sceptique (cf. Scepticisme) est une suspension radicale et définitive du jugement. La pensée chrétienne, en particulier avec Pascal*, a repris certains aspects de la tradition sceptique: en mettant en évidence la faiblesse de notre raison, le doute sceptique peut être aussi un auxiliaire de la foi. À la suite de Hume* (XVIII^e siècle), le doute sceptique devient plus modéré: il consiste moins à suspendre son jugement* qu'à ne pas prendre nos croyances, mêmes les plus crédibles, pour des certitudes*, et à se défendre contre l'enthousiasme des passions et contre le dogmatisme. 2. Le doute méthodique est le point de départ de la philosophie de Descartes*. S'il consiste dans le projet de faire table rase de toutes les opinions que nous avons reçues jusqu'ici comme étant vraies, c'est en vue de trouver celles qui leur résisteront. Le doute méthodique diffère donc du doute sceptique parce qu'il est un moyen en vue d'une fin, qui est la certitude. Provisoire et délibéré, le doute cartésien est également radical: il révoque ce qui est simplement vraisemblable et n'admet pas d'intermédiaire entre le vrai et le faux. Il est, de ce fait, hyperbolique, c'est-à-dire excessif. C'est pourquoi, à la fin de la _Première Méditation métaphysique_, Descartes avance la fiction d'un "malin génie*" qui lui permet de se persuader que tout est faux. Cette fiction a essentiellement un rôle psychologique. En effet, les raisons de douter sont logiquement suffisantes, mais elles ne sont pas psychologiquement assez parfaites pour maintenir l'esprit dans sa résolution de douter. En se persuadant, grâce au "malin génie", que tout est faux -et non plus seulement douteux- cette résolution pourra plus aisément se maintenir. TERMES VOISINS: embarras; hésitation; incertitude. TERME OPPOSÉ: certitude. CORRÉLATS: méthode; philosophie; scepticisme; vérité.

LE DOUTE CARTÉSIEN L'ordre des connaissances vraies ne coïncide pas avec l'apprentissage de la vie: enfants, nous assimilons toutes les croyances, préjugés, erreurs qu'on nous impose sans les soumettre jamais à l'épreuve de notre raison (elle-même encore trop peu assurée). Une fois adultes, nous nous retrouvons prisonniers de "vérités" apprises et incapables de déterminer ce que véritablement elles valent. Relativement à cet état de fait, l'acte philosophique se présente comme une volonté de rupture: décision de remettre en question une bonne fois pour toutes l'ensemble de ce qu'on a pu jusqu'ici considérer comme vrai. R. Descartes, _Méditations métaphysiques_ (1641), "Première Méditation", Paris, Hatier, coll. "Les classiques Hatier de la philosophie", 1999, pp. 21-22: "Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j'ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain; de façon qu'il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j'avais reçues jusques alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. Mais cette entreprise me semblant être fort grande, j'ai attendu que j'eusse atteint un âge qui fût si mûr que je fusse plus propre à l'exécuter [...]. Maintenant donc que mon esprit est libre de tous soins, et que je me suis procuré un repos assuré dans une paisible solitude, je m'appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions. Or il ne sera pas nécessaire, pour arriver à ce dessein, de prouver qu'elles sont toutes fausses, de quoi peut-être je ne viendrais jamais à bout; mais d'autant que la raison me persuade déjà que je ne dois pas moins soigneusement m'empêcher de donner créance aux choses qui ne sont pas entièrement certaines et indubitables, qu'à celles qui nous paraissent manifestement être fausses, le moindre sujet de douter que j'y trouverai suffira pour me les faire toutes rejeter. Et pour cela il n'est pas besoin que je les examine chacune en particulier, ce qui serait d'un travail infini; mais, parce que la ruine des fondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l'édifice, je m'attaquerai d'abord aux principes sur lesquels toutes mes anciennes opinions étaient appuyées." -L'idéal d'une science parfaite Le projet de se défaire de tous ses préjugés demande une certaine maturité intellectuelle ainsi qu'une grande force de caractère. Mais il faut y prendre garde: une volonté de vérité soutient cette entreprise de destruction: on ne détruit que pour pouvoir reconstruire sur des bases solides. Descartes est très loin du scepticisme: la critique des vérités existantes se fait ici au nom d'une vérité plus haute et le doute n'est lui-même qu'un instrument en vue d'atteindre "une certitude parfaite" -Le doute cartésien Cette remise en question de nos connaissances doit être méthodique (il faut procéder avec ordre et rigueur) et universelle (elle ne devra rien laisser passer). Pour ce faire -et parce que l'examen, l'une après l'autre, de chacune de nos connaissances serait infini-, Descartes propose deux plans d'attaque: -un doute hyperbolique: on n'établira pas de degrés entre des choses certainement fausses et d'autres simplement douteuses, mais le plus petit soupçon d'incertitude suffira à rejeter ce qui nous sera présenté à l'esprit; l'ennemi est sabré sans faire de différences; -un doute radical: on examinera plutôt que les choses elles-mêmes, les principes des choses; le savoir est ainsi attaqué à sa base. Dans l'audace d'une telle entreprise, l'esprit affirme sa liberté. LE COGITO Descartes est en quête d'une vérité certaine, d'une vérité qu'on ne puisse en aucun cas remettre en doute. Dans le cours de cette recherche, et au moment précis où il pense avoir définitivement perdu la possibilité même d'une certitude (il trouve des raisons de n'être sûr ni de l'existence des choses ni de la nécessité des démonstrations scientifiques), il énonce une proposition qui enfin résiste absolument à l'épreuve du doute: "Je pense donc je suis." Descartes, _Discours de la méthode_ (1637), IV^e partie, Paris, Hatier, coll. "Les classiques Hatier de la philosophie", 1999, p. 37: "Je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose; et remarquant que cette vérité: je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. Puis, examinant avec attention ce que j'étais, et voyant que je pouvais feindre que je n'avais aucun corps et qu'il n'y avait aucun monde ni aucun lieu où je fusse; mais que je ne pouvais pas feindre, pour cela, que je n'étais point; et qu'au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j'étais; au lieu que, si j'eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j'avais imaginé eût été vrai, je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été: je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu ni ne dépend d'aucune chose matérielle; en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et qu'encore qu'il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est." -La vérité du cogito Le "Je pense donc je suis" se présente comme une vérité indubitable: le fait même d'en douter, plutôt que de l'ébranler, renforce en effet la vérité de la proposition. Car enfin, pour que le doute soit possible, il faut d'abord quelqu'un qui doute: le doute suppose la pensée qui suppose à son tour un sujet existant qui la pense. "Je pense" est donc une vérité première. Or cette vérité se rapporte non à l'objet mais au sujet de la pensée. D'autre part cette vérité peut être dite "principe" en deux sens: parce qu'elle ne repose sur aucune vérité antérieure (elle est vraie par elle-même), et parce qu'elle permettra de reconnaître d'autres vérités (elle fournit pour cela des critères). -La nature du cogito Le cogito de Descartes n'est pas seulement la rencontre d'une proposition certaine qui nous donne à comprendre ce que peut être une vérité: il détermine aussi la nature de celui qui énonce cette vérité. Il ne faut pas dire simplement qu'il y a une pensée ("Je pense donc je suis") qui est constituée par un sujet pensant, mais que la pensée est ce qui constitue l'être même du sujet: le cogito m'apprend que je suis une nature purement spirituelle (une "âme"), et que mon corps comme tel n'entre pas dans la composition de ce que je suis essentiellement. Le sujet vise une attitude mortelle pour la philosophie, qu'on peut appeler au choix relativisme ou subjectivisme. Tout effort de pensée devient en effet inutile, si chacun est possesseur de sa vérité et si chercher à convaincre est perçu comme une atteinte à la liberté indivi¬duelle. Sous les apparences de la tolérance, « à chacun sa vérité » relève donc d'une certaine forme de terrorisme intellectuel.
Il existe cependant une autre manière de prétendre empêcher de penser, plus aisément repérable, et qui est le dogmatisme, au sens où ce mot désigne la prétention de détenir la vérité une fois pour toutes, ce qui rend là aussi toute discussion inutile. On voit aisément que le relati¬visme tire sa force de séduction de son opposition au dogmatisme. Celui-ci paraissant nettement intolérant, son contraire en « bonne » logique devrait être l'incarnation de la tolérance. Pourtant, il est encore plus difficile de discuter avec quelqu'un qui refuse de vous entendre -même au nom de la tolérance ! - qu'avec quelqu'un qui est persuadé d'avoir raison. Celui-ci, au moins, pourra condescendre à exposer ses arguments, ce qui rendra possible la présentation d'objections. Cepen¬dant, nous ne disons pas ceci pour faire préférer le dogmatisme au relativisme. Au contraire, la difficulté du sujet est de rejeter celui-ci - ou de le dépasser, car il existe peut-être un relativisme « intelligent » - sans retomber dans celui-là.
Comme souvent lorsqu'il s'agit d'examiner une opinion com¬mune, on rencontre une confusion que l'analyse doit s'efforcer de dissi¬per. La confusion ici est entre opinion et vérité, confusion étrange, que semble-t-il personne ne fera si l'on parle d'une question scientifique, ce qui tendrait à montrer qu'à sa racine il faut tout simplement voir un refus de toute idée de vérité. C'est parce qu'il n'y aurait pas de vérité que ce serait « à chacun sa vérité ». Mais alors, pourquoi ne pas dire franchement les choses, et premièrement refuser d'affirmer quoi que ce soit, puisqu'il n'y aurait pas de vérité - à l'exception de ce qui relève de la science, mais on se demande bien pourquoi - et deuxièmement, face à toute tentative inconsidérée de discuter, énoncer sentencieusement une formule plus rigoureuse que celle qui nous occupe, et qui serait : « à cha¬cun son opinion » ?

Une référence utile
Un tel sujet renvoie aux sophistes, que Platon présente comme les adversaires « privilégiés » de la philosophie en général, et de son maître Socrate en particulier. Les sophistes faisaient profession de vendre leur savoir, et de nombreux disciples venaient trouver auprès d'eux un complément d'éducation. Ce savoir, c'était essentiellement la rhétorique, art de persuader son auditoire, particulièrement utile dans une démo¬cratie directe, comme l'était Athènes à l'époque. Or, l'art de persuader en tant que tel fait bon marché de la vérité. En effet, celui qui persuade en disant la vérité n'accomplit pas un exploit, car la vérité peut persuader par elle-même. En revanche, il est beaucoup plus remarquable d'obtenir l'adhésion de son auditoire en disant le faux, ou plus fort encore en défendant une idée puis son contraire. On le voit, la rhétorique est art de l'apparence, et se soucie non du vrai, mais du vraisemblable.
Une telle pratique a engendré sa théorie justificatrice. Les sophistes pourraient en effet passer pour des manipulateurs ou des corrupteurs, si toutefois l'on pense qu'il existe une vérité. C'est pourquoi, tout naturel¬lement, la sophistique conduit les sophistes à remettre en question l'idée même de vérité. C'est généralement à la pensée de Protagoras, parce que nous la connaissons à travers Platon, que l'on se réfère pour expliquer ce renversement. « Telle une chose m'apparaît, telle elle est », aurait dit Protagoras. Il n'y a pas de vérité en soi, mais seulement du point de vue de la conscience à qui une représentation apparaît. A quoi sert-il de discuter alors, puisque la rhétorique a quand même bien pour but d'enrichir la discussion ? Le but n'est pas de déterminer la vérité, mais d'établir l'opinion la plus utile ou la plus communément admise. On le voit, une telle pensée s'accommode à merveille du contexte démocra¬tique, tout en favorisant volontiers les puissants, ceux qui ont les moyens de faire triompher leurs opinions, c'est-à-dire leurs intérêts. L'hostilité de Platon à la démocratie trouve là sa principale explication.
Presque tous les ouvrages de Platon témoignent de cet affrontement entre la philosophie et la sophistique, on a donc le choix si l'on veut y puiser une aide pour la réflexion sur ce sujet. Signalons toutefois que c'est dans le Théétète que la doctrine de Protagoras se trouve réfutée à l'aide d'une démonstration toute simple, que certains trouveront peut-être simpliste mais qui n'en est pas moins valide, ce qui oblige au moins à repenser le relativisme si l'on ne veut pas l'abandonner. Cette démons¬tration consiste, selon la méthode socratique, à prendre au sérieux la thèse de l'adversaire. Admettons que Protagoras ait raison, il s'ensuit

donc que telle une chose m'apparaît, telle elle est. Or, ce qui m'apparaît à moi Socrate – puisque comme presque toujours c'est Socrate qui est le porte-parole de Platon dans ce dialogue – c'est que Protagoras a tort. Donc, il a tort, et il n'est pas vrai que telle une chose m'apparaît, telle elle est.
Cette démonstration met en évidence la réalité de la contradiction, qui impose l'idée de vérité dans la mesure où l'esprit ne peut s'y arrêter, et est en demande d'une vérité qui puisse la lever. Si nous sommes deux à nous contredire, il est impossible que nous ayons tous deux raison, bien qu'il soit possible que nous ayons tous deux tort, et d'ailleurs on peut dire sans contradiction « à chacun son erreur ».


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Citations sur peut-on trouver seul la vérité ? :

puce Quand un opiniâtre a commencé à  contester quelque chose, son esprit se ferme à  tout ce qui le peut éclaircir. La contestation l'irrite, quelque juste qu'elle soit, et il semble qu'il ait peur de trouver la vérité. - Madeleine (Madame de Sablé) de Souvré
puce La vérité vaut bien qu'on passe quelques années sans la trouver. - Jules Renard
puce Seule la vérité peut affronter l'injustice. La vérité, ou bien l'amour. - Albert Camus
puce La vérité attend. Seul le mensonge est pressé. - Alexandru Vlahuta
puce L'homme ne peut se trouver qu'à  condition, sans relâche, de se dérober lui-même à  l'avarice qui l'étreint. - Georges Bataille