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La dissertation philosophique

La dissertation philosophique

 

1.      Objectif et forme générale de la dissertation

 

La dissertation philosophique est un genre de discours dont la fonction exclusive est de résoudre un problème philosophique. Par « problème philosophique », il faut entendre, comme l’indique l’étymologie, une « question embarrassante », à savoir une question dont la réponse n’est jamais évidente et ne peut pas l’être, qui peut être aussi bien positive que négative, « où l’on admet l’affirmation ou la négation comme simplement possibles » (Kant).

Cette forme de discours implique néanmoins que le vrai seul soit recherché, et non le style ou les effets oratoires. Non qu’il faille mal écrire, mais la finalité de l’exercice est bien d’établir la démonstration, toujours ouverte et révisable (discutable), de sa propre démarche de réflexion. Autrement dit, la dissertation doit apporter une réponse à un problème, en argumentant et démontrant : toute autre stratégie de discours est déconseillée. Cela dit, on ne vous demande pas de prétendre enseigner la « vérité » à votre lecteur (votre professeur ou l’examinateur), mais de chercher à le convaincre, par des arguments rationnels, de la validité et de la consistance de votre analyse, le statut de la vérité étant déjà, en soi-même, un problème philosophique.

Il va de soi qu’une dissertation doit être écrite très précisément. Il faut bannir l’approximation, la confusion, dont les signes sont toujours les mêmes, et tiennent en certaines expressions récurrentes dans les copies : « forcément », « certains pensent que…/d’autres que… », « on peut se demander si… », « ça dépend…». Vous devez être rigoureux, et faire usage de termes judicieusement choisis (en devoir « à la maison », consultez un dictionnaire de langue française ou un lexique de philosophie).

 

Pour résumer, toute la dissertation ne consiste qu’en ceci :

 

-          montrer que la question initiale (celle que l’on vous pose) contient un problème, à savoir la possibilité de deux réponses antagonistes ou nettement incompatibles, voire contradictoires ;

-          développer chacune de ces deux réponses (des thèses, ou encore la « thèse » et l’ « antithèse », comme l’on dit ordinairement) jusqu’à ce qu’elles aboutissent respectivement à une impasse, c’est-à-dire au constat de leur inconsistance ;

-          enfin, tenter de surmonter et de résoudre, en construisant un dernier développement, la contradiction obtenue par les deux thèses opposées et soutenues dans les deux premiers développements (thèse et antithèse).

 

La dissertation comprend donc, impérativement, plusieurs mouvements : une introduction, des développements (deux, trois ou quatre), une conclusion.

 

a)      L’introduction.

 

C’est le prologue : littéralement, « ce qui vient avant » votre discours. Elle est fondamentale, en ce qu’elle permet de poser un problème précis, point central de la dissertation. Elle indique brièvement mais rigoureusement le problème philosophique que pose la question à la quelle vous répondez et, par un nombre limité de questions problématisantes, permet de reformuler de façon critique et synthétique ce même problème (cette reformulation étant ce qu’on appelle une problématique).

L’introduction produit donc l’intelligibilité du problème et éclaire le lecteur sur la manière dont vous allez le résoudre : elle contient donc la structure générale de votre recherche (le « plan »).

En outre, l’introduction est ce que le lecteur lit en premier : il est donc nécessaire de la soigner (ce qui permet en outre de faire bonne impression à un examinateur qui, au baccalauréat, a cent cinquante copies à corriger !). Soyez convaincu qu’en règle générale, un correcteur a dès l’introduction une idée générale de la note qu’il mettra à une copie.

 

b)      Les développements.

 

Selon le type de plan choisi, les développements sont au nombre de deux[1], trois ou quatre. Traditionnellement, le plan dit « dialectique » en commande trois : nous nous attacherons ici à cette forme, qui a le mérite de permettre la confrontation d’une thèse et d’une antithèse, suivie de la résolution du problème (la synthèse).

Un développement, comme son nom l’indique, développe une thèse : il la détermine, l’énonce, la précise. Il faut donc commencer par savoir ce qui va être soutenu dans le développement (détermination), puis il faut l’expliciter, la formuler (l’énoncer). Un développement consiste exclusivement en ceci : amener, par une suite ordonnée d’arguments, une thèse à sa limite, à savoir au point où elle ne peut plus être soutenue absolument, tant elle apparaît fragilisée par sa propre mise à l’épreuve (ce en quoi consiste un développement). Il s’agit à la fois de tenter de prouver une thèse, et de l’éprouver, d’en tester la consistance.

Pourquoi tenter de la déstabiliser ? Parce que la dissertation doit envisager une confrontation de thèses : il est donc nécessaire de concevoir une affirmation, de la développer, puis de tenter de la contredire, ce moment de la contradiction permettant simplement de passer à l’antithèse, dans un deuxième développement. Ce second développement procède de la même façon avec une thèse qui contredit ou limite celle soutenue dans le premier développement.

Vient enfin la synthèse, troisième développement, dont la fonction exclusive est de résoudre la contradiction obtenue par l’opposition entre les deux premiers développements.

 

Attention : un développement ne doit contenir qu’une seule thèse (qui doit impérativement être soutenue par des arguments). De façon générale, un développement contient des moments, à savoir des étapes dans la progression de votre réflexion. En développant la thèse, il va de soi que vous progressez : chaque idée nouvelle trouve sa place dans un nouveau paragraphe.

Par conséquent, un développement examine une seule thèse, par des arguments, ceux-ci étant répartis dans des paragraphes successifs et clairement marqués.

 

Rappel important :

 

-          Un argument est une raison en faveur d’une thèse, un élément rationnel qui n’est pas issu de l’expérience mais relève de la réflexion pure.

-          Un exemple, au contraire, provient de l’expérience, mais ne prouve rien (que vous ayez vu des Suédois blonds n’implique pas que tous les Suédois soient blonds) : les exemples ne désignent jamais que des cas particuliers existants.

-          Une citation consiste à livrer un propos d’un philosophe ou autre, en le mettant entre guillemets. Elle ne prouve rien, et doit nécessairement être précise, à propos et surtout expliquée.

-          Une référence renvoie à une thèse, en général d’un philosophe. Elle énonce cette thèse rigoureusement de manière à soutenir votre réflexion. Ne faites une référence que si vous connaissez bien une thèse, et ne la faites que si elle vient soutenir votre propre argumentation, ce qui suppose que c’est d’abord vous qui devez raisonner. On ne commence jamais par une référence (du type, en début de développement : « Selon Kant… »).

 

c)      La conclusion.

 

La conclusion rappelle le problème posé, récapitule la démarche qui a été suivie et les grands arguments énoncés. Sa fonction est de répondre à la question, aussi clairement qu’il est possible. Il n’est pas utile pour cela d’être long.

Il est possible que des professeurs vous aient déjà demandé, dans vos années précédentes (en français, par exemple), d’ « ouvrir » la question, à savoir de relancer le débat par une nouvelle question. Pour ma part, je le déconseille formellement. En effet, une question initiale (votre « sujet ») suffisamment examinée et un problème convenablement traité doivent recevoir une réponse. Si vous « ouvrez », vous reconnaissez explicitement que vous n’avez pas analysé le problème dans tous ses aspects essentiels, en tous les cas dans les aspects qu’il était nécessaire d’aborder pour donner votre réponse. Vous donnez à votre lecteur l’impression d’une suite qui ne verra jamais le jour, et surtout pas au bac ! Aussi, tenez-vous en à une conclusion fermée, cette clôture n’impliquant nullement que votre réponse doive être la « vraie » solution du problème posé : si vous concluez qu’une réponse, pour tel ou tel problème, est toujours « problématique », qu’il ne saurait y avoir de réponse tranchée, et si vous avez bien argumenté, vous avez fait ce qu’il fallait.

 

2.      Comment lire et analyser un sujet.

 

La lecture d’une question est un moment délicat. Vous devez lire plusieurs fois, faire très attention aux termes utilisés, que ce soit des termes usuels ou des notions plus proprement philosophiques (« liberté », « autrui », « Etat », etc.). Soyez particulièrement attentif aux mots usuels : employés couramment, nous avons tendance à ne plus les penser, à ne plus y arrêter notre réflexion. Or, philosopher c’est penser les mots que l’on dit, c’est penser leur(s) sens. N’oubliez jamais cette règle.

 

La procédure consiste à se demander si les mots ont plusieurs significations dans la question initiale, si l’on peut comprendre celle-ci de plusieurs façons. Il faut donc faire une analyse sémantique, ou analyse des significations (ce travail, comme l’ensemble du travail d’élaboration de la problématique se fait bien entendu au brouillon, et sera ensuite mis en forme définitive pour le propre).

Cette analyse consiste simplement à inventorier les significations de chacun des termes de la question, mais également à déterminer le sens des expressions (dans la question : « Faut-il libérer le désir ou se libérer du désir ? », même si les notions de liberté et de désir doivent être examinées, il est évident que les deux expressions [« libérer le désir »/ « se libérer du désir »], constituant un quasi jeu de mots, exigent d’être éclaircies pour elles-mêmes).

Dans tous les cas, le risque est d’obtenir un éparpillement des significations dont vous ne pourriez rien faire. Il est donc nécessaire de ne jamais perdre de vue que le but de l’analyse sémantique est de parvenir à la signification globale de la question posée, c’est-à-dire non seulement à la signification des termes de celle-ci, mais encore à la signification des relations entre ces termes.

 

Exemple (rapide) de procédure :

 

Soit la question : « L’histoire a-t-elle une fin ? ».

Il est hors de question de faire la liste de tous les sens de tous les termes : votre bon sens retiendra, en principe, les sens pertinents pour votre sujet, et le reste sera éliminé.

On doit ici se demander quels sens peut avoir le terme « histoire » :

 

1. Ce peut être la discipline que vous étudiez cette année avec votre professeur d’histoire et géographie.

2. Ce peut être non pas la connaissance critique des faits humains passés, mais ces faits eux-mêmes, le vécu général de l’homme (même si un fragment d’histoire n’est pas consigné par un historien, il s’agit tout de même d’histoire).

3. « Raconter une histoire » : ce peut être un récit, une narration, une fiction.

4. « Raconter des histoires » : ici, un récit mensonger, une fiction destinée à tromper.

5. « Etre dans une sale histoire » : ici, une intrigue, une situation délicate, périlleuse, peu claire.

 

Comme vous le voyez, vous pouvez vous aider d’expressions usuelles fin d’en dégager le sens…

Ensuite, il suffit de ne retenir que ce qui est pertinent. Le sens 1 désigne clairement l’activité de l’historien ; le 2, le vécu concret de l’homme ; le 3, 4 et 5 semblent moins importants. Nous conservons donc les sens 1 et 2.

Laissons cela pour l’instant et passons au terme « fin » :

 

1.       Le terme, terminus, arrêt, cessation, etc. (la fin de l’heure, que nous chérissons tous !)

2.       Le but, la finalité.

3.       Un individu fin, subtil, perspicace.

4.       Un homme fin, mince, élégant, délicat.

5.       De la joaillerie fine, de la lingerie fine…

 

Inutile d’aller plus loin : vous vous apercevez que les sens 3 à 5 n’ont aucune pertinence pour le traitement de la question posée. Nous retiendrons donc les deux premiers, comme vous l’avez sans doute pressenti.

Et c’est à ce point que vous devez tester la pertinence des significations ainsi dégagées. Je vous propose de procéder en croisant les deux sens du terme « histoire » et du terme « fin », mais pas n’importe comment. Vous devez logiquement formuler quatre questions : deux avec « histoire », deux avec « fin ». Mais il est évident que vous n’allez pas reprendre les termes « histoire » et « fin » : vous allez reprendre la question posée en y introduisant les significations que votre analyse sémantique vous a permis de mettre au point, ce que l’on peut appeler une « épreuve de substitution » (nous y reviendrons en l’appliquant dans l’exemple 1 donné à la fin de cette méthodologie) ; ce qui donne :

 

1.       La science historique (celle de l’historien) a-t-elle un terme, un arrêt, une cessation (dans le temps) ?

2.       La science historique a-t-elle un but, une finalité ?

3.       Le vécu concret des hommes, le devenir de l’humanité, a-t-il un arrêt, un terme ?

4.       Le vécu concret des hommes a-t-il un but, une finalité ?

 

Il n’y a pas d’autres formulations possibles. Là encore, il est nécessaire d’éliminer le non pertinent, certaines de ces questions pouvant être peu intéressantes, voire totalement absurdes.

La question 1 a-t-elle un sens ? On ne voit pas lequel. C’est une question absurde ; il est inutile de la développer.

Il en est presque de même pour la question 3 : savoir si l’humanité, dans son devenir historique, existera toujours, est une question lestée d’un sens, mais on remarque rapidement que personne ne peut répondre à une telle question, d’autant plus que vous devez respecter le temps de conjugaison de la question initiale, qui est le présent. On demande bien si l’histoire a une fin ou non, et non si elle aura une fin. Cet indice est précieux : il nous met sur la voie de la signification générale de la question, et c’est en effet au sens de but ou finalité qu’il faudra comprendre la question posée.

La question 2 interroge sur le ou les sens que peut revêtir la science historique : à quoi sert-elle, dans quel but, etc. Question intéressante, à retenir, donc, mais attention au réductionnisme, car cet aspect est restrictif, et il existe une signification plus riche à la question initiale.

Enfin, la question 4, que nous pouvons reformuler simplement : le vécu des hommes a-t-il un sens (entendu à la fois comme orientation et signification), à savoir un ordre ou une rationalité quelconque, ou bien l’histoire est-elle chaos, absurdité, déraison, folie, inintelligibilité totale ? Cette question dépasse en extension la question 2 (elle permet de traiter un problème plus vaste) : il faut donc en faire la trame de toute la dissertation. Cela dit, on peut conserver le champ de recherche déterminé par la question 2, puisqu’il est pertinent également. Tout dépend de votre axe d’analyse et du développement de votre réflexion. Mais dans tous les cas, cette épreuve de substitution a permis d’éliminer les questions 1 et 3, et en même temps de dégager la signification la plus claire de la question initiale. Vous savez à présent ce que l’on vous demande, tout en ayant déterminé (à la fois réduit et précisé) le champ dans lequel vous devez travailler.

 

3.      Les différents types de plans.

 

Imposer un type de plan n’a pas grand sens : tout dépend de la question posée, si elle peut ou non être traitée selon le plan dit « dialectique » (thèse, antithèse, synthèse). Par exemple, la question : « Qu’est-ce que la liberté de penser ? », et toutes les questions en « qu’est-ce que… », ne peuvent évidemment pas être résolues selon cette structure ternaire.

Il y a donc deux grands genres de plan : dialectique et progressif.

 

a)      Le plan dialectique.

 

La procédure de ce plan est complexe, car elle suppose que vous soyez capable de poser en introduction un problème précis et de le résoudre en dépassant la contradiction formée par la thèse et l’antithèse. D’une façon générale, le plan dialectique est la résolution dialectique d’un problème, à savoir un type de rationalité qui, partant d’une thèse (une affirmation), examinant ensuite une antithèse (la contradiction ou négation de la thèse), « dépasse » cette contradiction en produisant un troisième moment qui ne se contente pas de proposer un choix arbitraire entre la thèse et l’antithèse (« certains pensent que… d’autres que… ; donc, ça dépend… »), mais apporte une solution consistante, sans surtout retomber dans le point de vue soutenu dans la thèse ou dans l’antithèse. Ce troisième moment, qui n’est jamais une sorte de moyenne ou un juste milieu, est la synthèse.

Le plan dialectique demande donc une agilité intellectuelle certaine et une capacité de synthèse.

D’autre part, ce plan doit être précis : on ne peut se satisfaire d’une thèse qui serait une simple réponse positive à la question initiale, et d’une antithèse qui serait une réponse négative (le plan « oui/non/ça dépend »). Il faut définitivement proscrire ce genre de simplification, qui mène toujours à une synthèse maladroite renvoyant à l’opinion de chacun (« ça dépend »).

 

b)      Le plan progressif.

 

Les questions en « qu’est-ce que » requièrent ce type de plan. Il s’agit de définir une notion en proposant, dans une démarche en plusieurs développements (trois conviennent en général), un approfondissement progressif. Pour la question : « Qu’est-ce que la liberté de penser ? » on partira par exemple de ce que l’opinion commune entend par cette expression, on en montrera les limites (c’est-à-dire que cette expression renvoie à une affirmation qui ne peut être soutenue jusqu’au bout sans aboutir à des ambiguïtés ou des contradictions), ou encore l’insuffisance. Dans un second développement, la notion sera définie de manière plus philosophique (en faisant appel, par exemple, à ce que Kant affirme dans « Réponse à la question : « Qu’est-ce que les Lumières ? »).

Ce plan, de structure simple, n’est pas pour autant facile à mettre en œuvre, car il exige là encore une capacité à envisager des niveaux différents d’approfondissement d’un problème ou d’une question : il faut donc être convaincu que l’opinion commune n’est pas le seul horizon de l’intelligence, et être capable de le montrer.

 

Attention : ni le plan dialectique ni le plan progressif ne sont obligatoires au baccalauréat. Votre professeur peut exiger un plan dialectique, pour d’évidentes raisons de formation intellectuelle, mais votre liberté demeure entière.

Il arrive, et souvent, que des questions ne puissent pas être traitées par l’un ou l’autre de ces types de plan. En ce cas, votre bon sens (votre rationalité) est seul juge, et vous devez trouver le moyen de résoudre le problème posé par votre sujet en inventant une démarche qui puisse lui convenir. Par exemple, ma question donnée plus bas en exemple : « Pourquoi l’homme peut-il être inhumain ? », se prête mal à un plan dialectique, alors qu’on pourrait à la rigueur envisager un plan progressif, qui analyserait l’inhumanité selon des plans différents (thèse du sens commun, analyse psychologique de la propension au mal, analyse métaphysique, etc.).

Vous devez trouver votre plan, à condition qu’il résolve un problème par la mise en œuvre d’une démarche critique qui confronte des thèses.

 

4.      Comment élaborer une introduction ?

 

Comme nous l’avons déjà abordé, l’introduction est essentielle. Il est nécessaire de la rédiger selon une structure rigoureusement établie.

Je vous propose le modèle suivant :

 

      - Une mise en perspective du sujet, à savoir une phrase générale (mais non creuse) introduisant au problème. S’il est toujours possible, mais brutal, de commencer par la question posée elle-même, il vaut néanmoins beaucoup mieux préparer son lecteur.

On évitera les formules vides, comme « Depuis la nuit des temps, les hommes s’interrogent sur… », ou : « Depuis toujours… ». Ces formules ne valent rien.

Une technique assez fiable consiste à reprendre dans cette mise en perspective un ou deux termes qui figurent dans la question initiale (votre sujet) : de la sorte, vous éviterez la généralité creuse tout en cadrant votre champ de recherche.

Exemple : le temps est-il un obstacle au bonheur ? Cette question peut être mise en perspective de la façon suivante : « Le temps est ordinairement saisi comme un ordre englobant la totalité de ce qui est. Aucune action, aucune pensée, aucun rêve n'échappent à ce qui est compris comme la cause de la succession et de l'écoulement général des choses. » Un seul terme est repris, mais on entre d’emblée dans ce qui est déjà pressenti comme une interrogation sur le devenir. On peut la développer davantage, de manière à en accroître la précision : « Sous la forme mythologique et personnifiée d'un dieu (Cronos), il est celui qui dévore ses propres enfants : en lui naissent et meurent les choses. Tout être est tenu à sa nécessité. »

 

      - Une recherche des présupposés et une élaboration de quelques questions problématiques, c’est-à-dire recherche de tout ce qui est implicite dans la question, les sous-entendus éventuels (s’il y en a). Par exemple, dans la question : « Le travail n’est-il qu’aliénation ? », le travail est nécessairement pensé comme aliénation, mais on vous demande si l’on peut le concevoir autrement « en plus » (libération progressive, accomplissement de l’essence humaine, etc.). Cette question est différente de : « Le travail est-il aliénation ? », question dans laquelle l’absence de négation (ne…que…) vous laisse entièrement libre de votre point de départ. Un présupposé oriente obligatoirement le sens de votre dissertation : ne pas s’en soucier revient à courir le risque d’un hors sujet ou d’un faux problème.

Quant aux questions problématiques, il s’agit de quelques questions destinées à mettre en crise (critiquer) la question posée, de façon à élaborer un problème clairement déterminé (on ne pose pas un problème brutalement : il faut le préparer). Ces questions aboutiront, à leur tour, à une reformulation générale que l’on appelle une problématique.

 

-            Une problématique, ou reformulation synthétique et critique de la question posée, ce qui suppose que des questions aient été posées. La problématique (qui était autrefois une branche de la rhétorique ou art de bien parler) est l’art de poser des questions et, en ce qui nous concerne, des questions embarrassantes. Vous serez donc sur la bonne voie si votre problématique semble ne pas pouvoir être résolue facilement, si elle exige que vous examiniez plusieurs hypothèses incompatibles ou opposées (ou contradictoires). A condition d’être rigoureux.

Soit un sujet que vous ne pouvez pas avoir au bac, puisque les « sujets notions » n’existent plus. Soit, donc : le masque. Ce sujet n’est même pas une question ! Il va donc falloir trouver un problème, mais que dire ? Simplement, on notera qu’un masque est aussi bien un objet culturel ou ludique (un masque de sorcier ou de carnaval, ou encore un loup), qu’une métaphore : Descartes qui s’avançait « masqué », disait-il, ce qui signifiait qu’il était, dans ses écrits, d’une extrême prudence… Donc, manifestement, le masque a pour fonction de dissimuler : on est toujours caché en portant un masque, comme si notre identité « réelle » devait être tenue secrète.

Voilà un premier point, mais nous n’avons pas encore de problème, car il n’y a rien qui soit ici embarrassant. Continuons. Pourtant, n’est-il pas évident qu’un individu qui voudrait demeurer caché ferait bien de rester chez lui et de ne pas se montrer du tout ? Soit, donc, un individu masqué a un comportement éminemment paradoxal, puisqu’il s’expose caché (ce qui est un comble !), soit le fait d’être masqué a une autre fonction que celle de (se) dissimuler.

Nous voici en présence d’un vrai problème : c’est que le masque est un objet ou une fonction très ambigus, et cette ambiguïté peut se formuler ainsi, dans un premier temps, qui est le temps de l’introduction : comment le masque, qui semble naturellement être associé à la dissimulation ou au secret, peut-il être en même temps manifestation de soi-même, exposition, publicité (au sens d’être public) ? Voilà la problématique. Elle rend compte précisément d’un problème, que le reste de la dissertation a pour fonction de résoudre. On peut la compléter : « Le masque témoigne-t-il de l’ambiguïté de l’identité humaine, toujours cachée et toujours simultanément exposée, ou bien a-t-il pour fonction de révéler une autre identité, de dévoiler un autre ordre de choses : le secret, le mystère ? Est-il contradictoire ou réduit à un pur jeu de feinte dissimulation, ou bien est-il symbolique ? »

 

- Un plan mais, si nombre de professeurs en demandent un, il n’est jamais indispensable de le formuler après la problématique, sous une forme artificielle et désagréable, comme : « dans un premier développement, nous verrons que… ». Cette formulation est mauvaise. De plus, il faut être conscient que les questions grâce auxquelles vous élaborez votre problématique, ainsi que votre problématique elle-même, vous obligent : vous devez nécessairement y répondre, une question posée en introduction induisant psychologiquement une attente chez votre lecteur. C’est donc cet ensemble, questions et problématique, qui constituent votre plan. Mais si formuler ce plan, au risque d’une lourdeur de style, vous rassure, faites-le. Personne ne vous en tiendra rigueur.

 

Exemple d’introduction[2] (entièrement rédigée) :

 

Le temps est-il un obstacle au bonheur ?

 

     Le temps est ordinairement saisi comme un ordre englobant la totalité de ce qui est. Aucune action, aucune pensée, aucun rêve n'échappent à ce qui est compris comme la cause de la succession et de l'écoulement général des choses. Sous la forme mythologique et personnifiée d'un dieu (Cronos), il est celui qui dévore ses propres enfants : en lui naissent et meurent les choses. Tout être est tenu à sa nécessité.

     Mais le temps est une notion confuse, et il semble utile de spécifier les modalités de notre relation à lui. Il est d'abord irréversible, et en ce sens il scelle l'impossibilité d'en annuler ou d'en contourner le cours. Il est ensuite l'instance par laquelle la mort est inscrite au coeur même du vivant. Il n'y a temporellement qu'un aller sans retour. C'est donc par ces notions intermédiaires que la question : le temps est-il un obstacle au bonheur ? semble devoir être abordée. Que savons-nous en effet du temps hors des « effets » multiples qu'il produit en l'homme ?

     Mais si le temps est ainsi générateur et corrupteur, il est vrai que l'homme tente, par une multitude de comportements, de s'en abstraire. Cette tentative de fuite a au reste son motif : c'est que l'homme expérimente aussi des états qui semblent contredire son inéluctable nécessité. Ainsi la joie, le plaisir, le bonheur, le divertissement, paraissent atténuer la conscience que nous prenons de son écoulement dramatique et peu compatible avec notre espérance fondamentale. Si la mort est au coeur du vivant et, par la conscience, au coeur de l'homme, il est non moins vrai que le désir d'immortalité hante l'homme, comme le revers fantasmatique d'une inéluctable dissolution.

     Le bonheur, si l'on peut le caractériser comme totalité durable de satisfaction, est donc l'envers du temps. Qu'il soit inaccessible ou irréalisable n'empêche pas qu'il soit une aspiration fondamentale et universelle de l'humanité. Dès lors se pose la question d'une compatibilité du temps et du bonheur : sont-ils exclusifs l'un de l'autre - le bonheur serait donc pur fantasme -, ou bien peut-on concevoir un bonheur qui assumerait clairement sa propre destructibilité ? Le temps est-il un obstacle au bonheur ainsi conçu ? Mais qu'est-ce qu'un obstacle ? Cette question signifie-t-elle que le temps briserait tout bonheur laborieusement ou gratuitement (« don ») acquis, ou que le bonheur, en raison de la temporalisation de l'expérience humaine, serait un simple idéal que l'homme ne saurait atteindre, en dépit de ses tentatives ?

 

            Analysez bien cette introduction : on y retrouve l’ensemble des procédures requises, rédigées sous une forme fluide.

 

            Attention :

           

            Pour construire un problème (« trouver » le problème, comme on dit), il y a plusieurs méthodes, parmi lesquelles vous avez le choix. Puisqu’il faut nécessairement trouver une contradiction ou découvrir un antagonisme dans la question initiale, vous pouvez soit :

 

-          Opposer deux opinions communes (« On prétend : « tel père, tel fils » ; mais également : « à père avare fils prodigue », ce qui est contradictoire ») ;

-          Opposer deux thèses philosophiques (« Kant affirme la liberté du vouloir, tandis que Spinoza, au contraire, nie radicalement la réalité du libre arbitre ») ;

-          Opposer une opinion à une thèse philosophique (« l’opinion commune affirme volontiers qu’être libre, c’est faire ce que l’on désire, alors que Kant prétend que c’est vivre sous la conduite de la raison et du devoir ») ;

-          Opposer, enfin, une opinion à elle-même, c’est-à-dire l’énoncer précisément, en introduction, et en montrer immédiatement l’ambiguïté ou la possible inconsistance (« si être libre c’est faire ce que l’on veut, comment admettre qu’un homme puisse réellement faire ce qu’il veut ? Ne dit-on pas que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ? »)

 

Pour finir, opposer deux thèses philosophiques, si cela est possible, requiert de solides connaissances. De plus, il est toujours souhaitable en philosophie de ne pas perdre de vue l’opinion commune, quitte à en montrer les limites.

 

5.      Le brouillon et la gestion du temps.

 

En situation réelle de bac, le brouillon est lié à la gestion du temps. Toutes les séries ayant un temps de composition de quatre heures, vous comprendrez immédiatement ce que la rédaction intégrale d’un brouillon qui sera recopié tel quel après peut vous faire perdre en temps précieux. Si vous passez deux heures à faire votre brouillon et que vous le reprenez au propre sans quasiment rien y changer, dites-vous que votre dissertation a été rédigée en deux heures à deux heures trente maximum.

A quoi sert le brouillon, dans ces conditions ?

 

- A noter vos idées, que vous répartissez (classez) ensuite en trois catégories (ou en un tableau en trois colonnes) qui deviendront vos trois développements.

- A noter vos arguments (que vous répartissez comme vous le faites avec vos idées), vos exemples si vous en avez, etc.

- A noter certaines de vos formulations, celles qui vous paraissent claires et acceptables, et dont vous ferez usage lorsque vous rédigerez au propre (vous devez savoir qu’il n’est pas aisé d’exprimer une pensée par écrit : si une bonne formulation vous vient, ne la perdez pas : notez-là).

- A élaborez votre introduction, que vous devez rédigez, elle, intégralement au brouillon, ce qui vous permettra d’avoir les idées claires quant à votre point de départ.

Ce travail préparatoire, réduit à un ensemble ordonné de notes (un effort de classification s’impose, si vous voulez que votre brouillon soit utilisable), vous fera gagner un temps précieux.

 

Deux conseils :

 

-  En rédigeant au propre, il suffira, sur votre brouillon, de rayer les idées et arguments utilisés, de façon à éviter toute répétition.

-  Lorsque vous rédigez au propre, laissez un espace en blanc suffisamment grand pour l’introduction, que vous ne recopierez qu’à la fin de votre dissertation. En effet, au fil de votre analyse, il peut vous venir des idées meilleures que celles que vous aviez notées sur votre brouillon, de sorte que l’orientation de votre dissertation s’en trouve quelque peu modifiée. En ce cas, vous apercevez l’intérêt de ce conseil : en ne recopiant l’introduction au propre qu’à la fin, vous pouvez l’adapter à ce qui a été réellement développé et écrit au propre, en supprimant une question, par exemple, qui n’a finalement pas été abordée, ou en en ajoutant une qui a été traitée en cours de développement.

 

Quant à la gestion du temps, il semble nécessaire de passer une heure à une heure trente sur le travail préparatoire, le reste devant être consacré à la rédaction au propre.

 

6.      Exemples.

 

Je propose ici non une dissertation rédigée, mais une application de la méthode, qui est rappelée dans ses détails. C’est sensiblement ce que vous devez faire pour tout sujet de dissertation. La fin apporte quelques éléments de réponse, de manière à vous guider, puisque vous devez avoir, en principe, une idée, même vague, de la réponse que vous feriez à la question initiale.

 

  1. Exemple 1.

Pourquoi l’homme peut-il être inhumain ?

 

            Cette question ne comporte littéralement aucune notion précise d’aucun programme de philosophie. Elle n’est cependant pas hors programme, puisque liberté, morale, histoire, droit, conscience, etc., sont des notions parfaitement mobilisables.

Il est nécessaire, pour y répondre, d’analyser très rigoureusement la question et de synthétiser vos connaissances et vos distinctions sémantiques et conceptuelles. Comment procéder ?

 

            La première étape est donc celle du travail préparatoire, effectuée au brouillon. Etape essentielle, car elle rend le brouillon intégral (dissertation entièrement rédigée, puis recopiée à la hâte...) totalement inutile. Ce travail se décompose en quatre moments :

            1- l’analyse du registre sémantique des termes, la polysémie éventuelle ;

            2- la rédaction provisoire de vos distinctions, de vos idées, de vos arguments ; la mise au point de vos exemples, s’il en est ; la rédaction des formulations qui vous semblent expliciter clairement votre pensée ;

            3- la constitution très minutieuse de votre problématique, moment déterminant et nécessaire de votre dissertation.

            4- la rédaction provisoire de l’introduction, introduction qui ne sera rédigée au propre qu’au terme de votre discussion, de manière à l’adapter au corps de l’analyse (qui peut être quelque peu modifiée en fonction de la progression de votre dissertation).

 

Application :

 

a) Analyse du registre sémantique des termes :

 

            Analyse des termes : quels sont les termes les plus importants, les plus ambigus ? Comment les comprendre ? Quelle(s) relation(s) entretiennent-ils entre eux ?

 

       [Rappel important : ne pas oublier que l’analyse des termes ne saurait être une fin en soi : il faudra aussitôt parvenir à une signification critique globale de la question, ce qui suppose un dépassement de l’éparpillement sémantique auquel vous condamnerait un simple catalogue des sens dont vous ne pourriez rien faire. Il faut reconstituer le sens global de la question, et cette globalité, loin d’être une généralité, se justifie par la mise en relation de ces sens : le sens d’un terme sera fonction du sens des autres dans l’économie générale du problème posé par la question : les concepts s’interdéfinissent et produisent ainsi l’intelligibilité du problème.]

            Le terme essentiel est inhumain, mais on ne commencera pas par lui : au contraire, ce sont les sens reliés des autres termes qui accroîtront l’extension et la compréhension de cette notion.

            On peut procéder à l’analyse du verbe pouvoir, qui comporte deux sens : capacité physique, possibilité, aptitude (je peux lever le bras [j’en ai la possibilité, car je ne suis pas handicapé]) ; droit moral (ou juridique), autorisation, permission (je peux me faire représenter au conseil (j’ai le droit de déléguer mes pouvoirs]).

            Quel sens faut-il retenir de ce verbe ? C’est une question de clairvoyance, il n’y a pas de méthode qui vous indiquerait infailliblement le sens à retenir pour la dissertation. En ce cas, nous avons l’épreuve de substitution : il suffit de remplacer, dans la question initiale, le terme par le sens que vous lui avez découvert :

 

            - pouvoir au sens de capacité : pourquoi l’homme est-il capable (a la possibilité) d’être inhumain ?

            - pouvoir au sens de droit moral : pourquoi l’homme a-t-il le droit moral (la permission morale) d’être inhumain ?

 

            Il est évident que la seconde interprétation comporte une contradiction ou tout au moins une incompatibilité entre le droit moral et l’inhumanité : même si l’on n’a pas analysé ce dernier terme, on sait qu’il est douteux que l’homme ait le droit moral (pas juridique, le droit moral relevant de notre conscience, et non des codes pénal ou civil) d’être inhumain, puisque l’inhumanité sera précisément à l’opposé de toute morale commune. C’est donc le premier sens qui doit être retenu (à noter qu’en fonction des questions, on peut être amené à privilégier l’autre sens, ou encore à intégrer les deux sens à la discussion).

            Quel autre terme peut intéresser l’analyse ? Tel quel, le travail préparatoire est nettement insuffisant : pas de problématique (car pas de problème), pas de signification globale de l’énoncé.

 

            Le terme homme est-il clair ou mérite-t-il une explicitation ? C’est une question de jugement. En réalité, le sens de ce terme est en soi ambigu, mais la question nous invite assez naturellement à retenir son sens général : l’homme, c’est le genre humain. Ce n’est ni le mâle, ni l’individu que je vois, là-bas.

 

Faisons encore le test :

                        - pourquoi le mâle peut-il être inhumain ? Bonne question féministe, légitime, mais très réductrice par rapport à la richesse et à l’extension de la question posée.

                        - pourquoi l’individu (que je vois : celui-ci) peut-il être inhumain ? Non sens : aucune question philosophique ne porte sur un cas particulier insaisissable : question indéterminée, et donc à l’intelligibilité limitée (seule la syntaxe de la question fait sens).

                        - autre question : pourquoi l’individu peut-il être inhumain ? Ici, question ambiguë : présuppose-t-elle que l’inhumanité est toujours un fait individuel (le fait de l’individu : pas d’inhumanité collective) ? En ce cas, l’individu désigne tous les individus, et l’on a encore affaire au genre humain, mais énoncé différemment.

            Le sens du terme homme est donc nettement générique.

 

            Un autre terme mérite toute votre attention : le terme pourquoi. Il désigne à la fois le but ou finalité, et les causes :

            - dans quel but l’homme peut-il être inhumain ? A savoir : l’inhumanité peut-elle être considérée comme le moyen nécessaire d’atteindre un but ?

            - quelles sont les causes de l’inhumanité ? Y a-t-il en l’homme un élément particulier qui rende compte de la propension à faire le mal ? Quel est cet élément, à quoi faut-il le rattacher : à la finitude de l’homme (contingence et mortalité), aux passions, à un égoïsme naturel qui nous ferait choisir spontanément notre bien-être à toute relation intersubjective, et nos besoins à tout souci de l’autre (cas du nourrisson) ?

 

            Il est temps à présent de vous attacher au terme essentiel : inhumanité. Le mieux, c’est une bonne méthode, est de définir ce terme par ce qu’il veut dire et par ce qu’il ne veut pas dire - définition positive et négative.

 

On définira donc l’humanité, terme qui comporte une forte connotation morale :

            - en premier lieu : l’humanité désigne la classe de tous les objets et propriétés qui appartiennent au genre humain. Ainsi, la parole est humaine (langage articulé véhicule de concepts), mais aussi tout ce qui suppose des propriétés humaines, par exemple la cruauté, la violence, la méchanceté, la perversité, etc., qui supposent la conscience et la volonté de faire du mal. En effet, peut-on dire d’un lion qu’il est cruel ? Non, parce qu’il entre dans sa nature de prédateur de dévorer ses proies : cet acte se fait sans délibération sur les fins, sans réflexion morale, sans souci d’un « bien » ou d’un « mal ». Il n’y a pas lieu de supposer dans cet acte une volonté et une conscience délibérée de faire du mal : l’acte n’est donc pas « mal » ni « méchant », encore moins inhumain. Méchanceté, perversité, etc., ne peuvent être le fait que d’un être qui peut librement se déterminer au mal, qui peut le vouloir pour lui-même. Le mal, comme l’inhumanité, est donc spécifiquement humain.

            - au sens moral, cette fois, humain désignera l’ensemble des qualités qui font de l’homme un être moral : la bienveillance à l’égard des autres hommes, la sensibilité, la compassion ou la sympathie (au sens fort), etc. Tout ceci présuppose que l’humanité soit accompagnée de la conscience du respect dû à la personne d’autrui, ou plus rigoureusement il n’y a d’humanité que si autrui est considéré comme porteur d’une valeur infinie, non négociable, c’est-à-dire d’une valeur qui n’est pas un prix (valeur d’échange d’un objet), mais une dignité (valeur non économique, valeur morale), dont l’essence est d’être la caractéristique d’un être libre et autonome, ce qui revient à dire qu’elle est inaliénable : autrui ne saurait être tenu pour un moyen de parvenir à un but, il est toujours moralement une fin en soi, une valeur indépassable et inconditionnelle (ce qui constitue une critique tacite de l’esclavage, qui considère la personne d’autrui comme un moyen dont la valeur est toujours négociable).

 

On le voit, le terme inhumanité découle naturellement de l’analyse précédente :

 

            - en premier lieu : inhumanité désigne ce qui n’appartient pas à la classe de l’humain. On peut, sans chercher à être exhaustif , donner quelques unes des caractéristiques de l’humain : raison, parole ou langage articulé, etc. En ce sens un animal est inhumain ;

            - ensuite, l’inhumanité caractérise la disposition au mal (le contraire de ce que Kant appelle « volonté bonne », c’est-à-dire la disposition morale à vouloir le bien des hommes et à agir conformément à cette disposition), la volonté délibérée d’assujettir l’homme, de le dépouiller de sa propre humanité (génocides, humiliations, perversions, viols, meurtres, etc.). C’est une négation pure et simple de l’humanité d’autrui : ainsi, il y a une parenté très nette entre l’inhumanité et la formulation qu’on ne réfléchit jamais assez : crime contre l’humanité. Un crime contre l’humanité ne désigne pas seulement l’Holocauste, ou encore les crimes perpétrés au nom du communisme, mais toute atteinte à la dignité de la personne humaine, tout acte qui viserait délibérément à exclure certains hommes de l’humanité. Il doit y avoir une intention très claire de nier l’humanité de certains hommes ou groupes ethniques, c’est-à-dire de les rejeter précisément hors de l’humanité : tel homme ou tel peuple n’est plus alors qu’un usurpateur qu’il faut anéantir. En ce cas, la violence est un crime contre l’humanité, pour autant qu’elle soit négation de l’esprit et du corps de l’homme, tant elle s’acharne à détruire radicalement ce qui peut rester d’humanité chez la victime.

           

            Au terme de ce travail préparatoire - qui doit être plus concis en ce qui vous concerne, puisque vous le débarrasserez des conseils méthodologiques -, il est nécessaire de récapituler l’ensemble de la démarche et de produire une problématique très précise, à laquelle il faudra impérativement se tenir.

 

b) Problématique :

 

            La problématique doit être concise et d’une précision aussi grande que possible : elle doit rassembler dans sa forme, très synthétique, la totalité des problèmes que vous allez aborder. A noter qu’elle est toujours une question, et jamais une affirmation.

            Quelle problématique proposer de notre question initiale ? Elle doit rendre raison de la capacité qu’à l’homme de vouloir faire le mal, des causes qui expliquent ce choix possible, des buts que peut servir l’inhumanité (considérée alors comme un moyen nécessaire [cette « nécessité » peut faire l’objet d’une analyse : si un but quelconque exige d’être moralement inhumain, faut-il y renoncer ou non ?]).

 

            Le mieux est d’être simple. Un bon commencement est de mettre en évidence le paradoxe immédiat de la question : si en effet l’inhumanité est le propre de l’homme (l’animal ne fait pas le mal : il est conforme à sa nature), elle est donc humaine. A quelle analyse sommes-nous donc conduits par ce constat ? A distinguer d’emblée deux registres du terme humanité, un sens générique, un sens moral.

            Ainsi, la problématique peut interroger la notion d’inhumanité :

 

  « Comment comprendre la notion d’inhumanité si tout ce qui vient de l’homme est humain ? ».

 

            On ne peut en rester là, puisqu’aucun problème précis n’a été dégagé. Ce n’est qu’un début.

            On l’a vu, la question posée se déploie dans un registre moral, mais pas exclusivement : on peut être amené à analyser le problème du mal dans l’histoire (l’inhumanité peut-elle servir un but noble ou moral ?), dans la psychologie (quelles sont les causes psychologiques de l’inhumanité, pensée alors comme perversité ?), etc. On doit étendre la problématique à un type d’analyse précis.

            Qu’est-ce exactement que l’inhumanité ? Risquons l’hypothèse, pour nous aider à élaborer la problématique : si elle n’était rien en dehors d’un jugement moral que l’homme porte sur ses propres actes ? Il n’y aurait alors pas de mal ou d’inhumanité en soi, mais la notion de mal surgirait d’un jugement de valeur porté sur certains actes non conformes à l’idéal moral que l’humanité peut viser. Autrement dit, il y aurait inhumanité seulement dans la mesure où l’homme devient capable, dans l’histoire, d’accéder à la conscience des valeurs : sans idéal moral, sans valeurs morales, sans normes morales, pas d’inhumanité, celle-ci n’émergeant que par ceux-là.

 

            Donc :

 

  « Comment comprendre la notion d’inhumanité si tout ce qui vient de l’homme est humain ? L’inhumanité est-elle une réalité tangible ou un fait brut (il y a du mal ou de l’inhumanité en soi), ou bien surgit-elle d’un écart par rapport à une norme morale par laquelle l’homme se juge soi-même ? Quelle est la validité de cette norme par delà la diversité des cultures ? »

           

c) Eléments de réponse.

 

En résumé, la question pourquoi l’homme peut-il être inhumain ? peut admettre un traitement sur plusieurs plans. Deux, très simples, peuvent être proposés :

                       

            1. En fonction du double sens de « pourquoi » ?

 

            a) Analyse des causes de l’inhumanité : psychologiques (« folie », agressivité), religieuses (faute initiale, péché originel ?), métaphysiques (finitude de l’homme : mortalité, mal, souffrance, etc.), sociales (comparaison entre les hommes, convoitise, envie, etc.), épistémologiques (ignorance persistante ; difficulté pour l’homme, de se hisser jusqu’à la raison, etc.).

            b) Analyse de l’inhumanité comme moyen vers un but : en 1917, l’émancipation du peuple russe passait par une réappropriation des moyens de production ; cette réappropriation passait par la violence révolutionnaire. Ici, rappelons-le, il serait question de traiter le problème suivant : un but moral peut-il impliquer, comme moyen nécessaire, souffrances, malheurs, inhumanité ? Si l’accomplissement d’un bien ultérieur exige d’en passer par des actes inhumains, faut-il continuer de le poursuivre ?

 

            2. En fonction de l’analyse de l’objectivité du mal.

 

            a) Causes de l’inhumanité : comme ci-dessus (1. a)).

            b) La liberté et le mal : c’est la liberté qui expliquerait de manière générale la possibilité du mal et sa réalité dans l’histoire. Seul un être capable de se déterminer soi-même peut faire usage de cette liberté à des fins qui dépassent sa nature, la réflexivité expliquant que l’homme puisse librement concevoir des fins indépendamment de tout souci d’autrui : méchanceté et cruauté, insensibilité et perversité sont des propriétés de l’homme. A noter : si la liberté se définit comme écart par rapport à une quelconque nature, tout déterminisme est brisé et tout devient possible, notamment le désordre moral et le « mal ».

            c) Ethique et inhumanité : le problème de la norme morale. La liberté pouvant expliquer le mal, ce dernier est-il « objectif » ? On peut argumenter en montrant que le mal est toujours lié à un jugement de valeur : en soi les actes sont moralement neutres. Mais attention : si l’on nie absolument l’objectivité du mal, est impliquée la thèse selon laquelle il n’y a de mal que par rapport à un jugement de valeur ; il n’y a donc plus de mal du tout, puisque serait rendue impensable la relation de l’action et du mal : ce dernier est « dans l’esprit », et nulle part ailleurs. Le problème serait alors renvoyé à l’objectivité des valeurs elles-mêmes : mais que valent mes valeurs dans une culture autre que la mienne ? Ne risque-t-on pas de devoir garder le silence face à des actes commis dans d’autres cultures, sous prétexte que les normes de ma société ne peuvent convenir à juger celles des autres ? Ce qui est « bien » ici est peut-être « mal » ailleurs : rien ne vaut clairement et absolument (universellement). Que penser par exemple de l’excision ? De l’anthropophagie ? On peut voir dans cette dernière non un mal, mais une simple version culturelle du rapport à autrui sur laquelle nous n’aurions pas le droit de porter le moindre jugement - l’anthropophagie apparaissant à l’anthropophage comme une valeur pleinement légitime (guerrière, morale, rituelle).

 

            En conclusion, on pourrait répondre que l’homme peut être inhumain parce qu’il est libre ou conscient de ses actes. On peut également montrer qu’il peut être inhumain parce qu’il se pose la question des valeurs, ayant toujours à concevoir les fins de ses actions et de sa pratique, et ne les trouvant jamais dans la nature ou dans sa nature : son existence n’étant pas prise dans un déterminisme strict, il a à élaborer sa vie et ne saurait donc échapper, dans la constitution de celle-ci, à la tentation de moyens mauvais.

 

  1. Exemple 2.

 

Ne figurent ici que l’introduction et le début des développements. Cet exemple reprend un plan assez simple, mais que je formule explicitement au début de chacun des développements :

 

  1. La mort n’est rien : il n’y a que des cadavres, des signes de la mort. On ne pense donc pas « la » mort.
  2. La mort est « quelque chose » : elle organise toute notre humanité et inspire, consciemment ou non, toutes nos conduites.
  3. Ce que nous appelons la mort n’est autre que la structure physiologique et psychologique du vivant. Nous ne pensons donc pas la mort, mais toujours un aspect de la vie.

Peut-on penser la mort ?

 

Notre relation à la mort semble être d'abord relation à des représentations ou des figures : son caractère angoissant est essentiellement lié au fantastique macabre que notre imagination est capable de déployer à son sujet. Que notre rapport à la mort soit avant tout rapport à des représentations implique que la mort « en elle-même » n'est pas un objet, qu’elle n'a aucun caractère d'objectivité et ne se donne à voir que dans ses manifestations physiologiques et dans ses signes variés, que nous n'apercevons au reste que dans la mort d’autrui - agonie et mort de l’autre. La mort serait donc du côté du sujet, c’est-à-dire qu’elle n’est vraisemblablement que cette hypostase d’un néant dont Bergson dirait qu’il faut bien le remplir d’être pour pouvoir le penser comme n’étant pas. Du côté du sujet : c’est dire que la mort ne se décrit et ne se pense que comme affection d’une part, comme témoignage d’autre part : affection parce qu’elle terrorise celui qui se risque y penser, à défaut de la penser ; témoignage, car je ne puis rien dire de ma mort, qui est toujours pour moi ce qui advient à autrui, seul être qui pour moi, « meurt ». Croyant donc penser la mort, je ne fais en définitive que penser autour des représentations qu’elle suscite en moi.

            Mais si cette « expérience inexpérimentée » qu’est la mort, comme le dit Jankélévich, nous angoisse tant, c’est qu’il y a paradoxalement une conscience humaine de la mort et que celle-ci, quand bien même elle ne serait qu’un mot, est néanmoins un mot dont la signification est capable de faire obstacle à tout bonheur possible. Dire que je pense autour d’elle, c’est dire en outre, et par cela même qu’elle nous angoisse, qu’elle se pense en nous à la manière d’une obsession. La conscience de la mort est donc conscience d’un événement ultime dont nous n’avons aucun savoir, mais qui est pourtant capable d’orienter, par son absence même ou sa présence évanescente, la totalité de nos conduites, aussi bien sur la plan individuel que collectif ou socio-politique.

            Nous devons par conséquent chercher élucider l’essence de cette conscience de la mort dont la possibilité même défie la logique. Comment ce qui est si éminemment confus et en définitive si peu présent à la conscience ordinaire, divertie, pourrait-il être pensé, et dans quel but devrions-nous nous atteler à cette tâche ?

 

1. La mort n’est rien : elle n’est pensable que sous les signes physiologiques de l’agonie ou du cadavre. Toute thanatologie revient à décrire des signes, mais jamais « la » mort.

 

L’homme, dit-on, est le seul être vivant qui sache qu’il doit mourir. Ce savoir se fonde sur une conscience intime de la temporalité et de l’infime durée impartie à l’homme. Pourtant, il suffit de réfléchir à l’idée de mort pour se rendre compte que cette conscience de la mort est vide : la conscience de la mort est la conscience de rien, car le vide ou le néant, que le terme de mort semble signifier, ne saurait se penser sans être rempli par quelque chose. Pourtant, ce néant est angoissant, et la conscience de la mort est essentiellement, pour le commun, terreur. Non pas peur, car la peur a un objet assignable, mais bien effroi, angoisse, en même temps que révélation d’une contingence radicale. La mort est donc un néant qui est quelque chose, et la conscience que nous en avons est à la fois conscience d’un objet (elle est pensée de ...) et conscience angoissée parce que sans objet (la mort est impensable autrement que comme simple mot car son « objet » n’appartient pas à l’univers des objets). La conscience de la mort est donc le lieu où se dévoile la finitude humaine, en même temps qu’elle apparaît comme angoisse de la pure indétermination.

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2. Mais la mort est un rien qui joue comme principe organisateur du social comme de la pensée humaine. C’est un rien qui détermine la pensée et l’action humaines.

 

            L’histoire de l’homme montre que celui-ci évolue d’un contexte dans lequel la mort a sa place (Moyen-Age, très chrétien) à un contexte duquel la mort semble de plus en plus exclue. La conscience angoissée de la mort est donc créatrice d’histoire, puisqu’elle donne lieu à un comportement de négation, au reste largement inconscient. Cette conscience organise les sociétés. Par exemple, les cimetières étaient construits au cœur de la ville au Moyen-Age : on vivait avec les morts, d’abord parce que les épidémies étaient si dévastatrices que l’on ne pouvait plus les inhumer, ensuite parce que cette communauté du vivant et du mort rappelait au premier sa fin dernière. La mort, par la dissimulation progressive des cimetières, est excentrée puis expulsée des affaires humaines : le cimetière napoléonien, entouré de murs et de grilles, se situe à la périphérie de la cité, c’est-à-dire de l’humanité... Une étude de ce phénomène de négation montrerait qu’à l’évidence, c’est de tous les aspects de la vie que la mort a été expulsée - on ne dit pas un « mort », mais plus volontiers un « disparu » ; pour un accident, le terme mort désigne un être anonyme, une quantité, et non pas un individu.

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3. La conscience de la mort est conscience de la temporalité, de la contingence, de la désagrégation de notre intégrité psychophysiologique. Nous pensons dans l’immanence absolue de notre condition : nous ne pensons pas la mort, mais bel et bien la vie.

 

            Cette négation de la mort est-elle le signe d’un progrès dans la conscience que l’humanité prend d’elle-même, ce qui présuppose que la conscience de la mort serait stérile et nuisible ? Ou est-ce le contraire, à savoir qu’en occultant la mortalité, en l’oubliant, l’homme ne fait que fuir futilement ce à quoi il devrait sagement se préparer ?

            Derrière la négation de la mort, Pascal l’a magistralement montré, se trouve un désir de fuir le face à face avec soi-même, par lequel je prends conscience du néant de la vie humaine, de sa relativité et de sa contingence. Pascal pense en effet l’intériorité comme le lieu de déploiement de cette certitude intime de la mort, et toutes les tentatives pour se détourner de la mort (ce que Pascal appelle le divertissement, par le jeu notamment) sont des tentatives pour se détourner de notre intériorité et de notre humanité. Ceci implique une liaison intime entre mort et pensée de soi, si bien que, si Pascal a raison, la mort n’est pas un événement qui advient de l’extérieur, mais l’élément essentiellement coextensif de la vie humaine, parce qu’événement inéluctable d’une part, trame fondamentale de notre condition, d’autre part.

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Conclusion :

 

            Nous nous demandions si penser la mort était possible. Nous avons examiné celle-ci dans la diversité de ses significations, et abouti en premier lieu à la thèse que la mort n’est rien d’autre que l’ensemble des signes sous lesquels elle se manifeste à nous : agonie, cadavre. Aussi avons-nous conclu provisoirement que nous ne pensons pas, à strictement parler, « la » mort.

            Toutefois, nous avons vu que, loin d’être objet de pensée, elle est ce qui fait penser : à ce titre elle n’est pas rien, mais fonde la possibilité même de l’homme comme être qui institue son monde contre la mort.

            Enfin, nous sommes parvenus à la conclusion que la mort n’est rien d’autre que l’immanence d’un phénomène de dissolution, diversement éprouvé, et qu’elle est le nom redouté de ce qui constitue pourtant la trame fondamentale de notre existence temporelle.

            Nous ne pensons donc « la » mort que par impropriété de langage. En réalité, penser la mort revient encore à penser, dans sa plus stricte et plus universelle acception, la vie ; non seulement la vie « en général », comme concept biologique, mais également ma vie individuelle, qui n’est en définitive qu’un événement infinitésimal d’un processus en devenir qui se renouvelle par composition et décomposition, par génération et corruption, processus qui est l’autre nom de la vie.

 

7.      Elaborer une dissertation : les erreurs à éviter .

 

Limitons-nous à quelques unes d’entre elles.

 

-   Le subjectivisme, le relativisme : par refus de raisonner, un élève peut en rester à des préjugés, comme penser qu’il n’y a pas de vérité, que chacun pense ce qu’il veut, que « ça dépend », que toutes les opinions se valent, etc. Toutes les opinions ne se valent évidemment pas : elles peuvent être réfutées rationnellement. Le pire est que la conclusion en reste au relativisme : il suffit que je pense quelque chose pour que cela soit ma vérité. Un grand nombre de gens adoptent cette thèse, mais si je pense que la Terre est plate, continuerez-vous à affirmer que « ma » vérité vaut bien celle qui affirme que la Terre est ronde ? Ou que les opinions d’Hitler ou de Staline valent bien celles de l’abbé Pierre ?

 

- Le dogmatisme : attitude par laquelle on pense détenir la vérité absolue, y compris contre les philosophes. Des propos dogmatiques affirment massivement, sans preuve, sans nuance. Ils doivent être proscrits. Raisonner convenablement implique modestie et acceptation de la contradiction et de l’erreur. Un dogmatique, de plus, ne dialogue pas. Or, une dissertation est un dialogue, à savoir, selon l’étymologie, un échange rationnel de deux discours, de deux raisons.

 

- Les copies bavardes : elles parlent pour ne rien dire, surdéveloppent mais ne disent rien de précis. Une copie longue n’est pas toujours une bonne copie.

 

- Les copies très brèves : elles ne disent rien non plus, mais pour d’autres raisons. Une dissertation de deux ou trois pages ne peut pas développer tous les arguments nécessaires au traitement du problème. Une copie courte est toujours mauvaise.

 

- La « dissémination » : la dissertation ne comporte pas de développements clairs (trois voire quatre), mais une multitude de petits paragraphes séparés par des sauts de ligne, parfois jusqu’à quinze ou vingt ! Autant dire que ce type de discours est inintelligible. Une dissertation doit comporter, rappelons-le, cinq moments : une introduction, trois développements en général, et une conclusion.

 

- Les abréviations et les schémas : une copie claire , c’est l’évidence, ne fait usage d’aucun schéma. Il arrive que des élèves pensent être précis en schématisant leur réflexion : en réalité, ce type de procédure est toujours confus. Un ensemble de flèches, de cercles, de carrés, de flèches qui renvoient à des cercles ou des carrés, etc., n’a rien de clair pour un examinateur qui attend un discours cohérent. Quant aux abréviations, elles témoignent d’une désinvolture certaine. Ecrivez un mot en entier, vous n’en mourrez pas ! Quant au mode d’écriture texto, inutile de préciser que vous devez l’oublier.

 

8.      Conseils généraux et bibliographie.

 

Pour terminer ce document méthodologique,  vous devez savoir que la dissertation est un art difficile mais pas impossible en classe terminale.

  1. Habituez-vous à l’écriture philosophique, en lisant, au moins les extraits que vous trouvez dans votre manuel. Etudiez les procédures mises en œuvres par les philosophes : ne vous préoccupez pas tant de ce qu’ils écrivent que de la manière dont ils écrivent. En étudiant les procédés d’écriture, vous vous formerez rapidement et efficacement.
  2. Entraînez-vous : choisissez un sujet de dissertation et exercez-vous à en faire une problématisation, à trouver un problème (faites-le à plusieurs, le dialogue supposant un interlocuteur). Vous devez acquérir une capacité à critiquer (mettre en crise, à savoir apercevoir tout de suite où est le problème). Vous pouvez pour cela exercer votre esprit critique au sujet de tout et n’importe quoi : le discours d’un journaliste, d’un homme politique, d’une publicité, etc. L’intérêt est que vous pouvez faire cela n’importe où : dans la rue, dans votre lit… Lorsque l’on vous parle, cherchez comment on pourrait réfuter ce que l’on vous dit.

 

Bibliographie :

 

Il y a le choix, mais trois ouvrages peuvent vous aider, concernant la méthodologie de la dissertation philosophique :

 

-          H. Pena-Ruiz : La dissertation, Bordas, collection « Jokers ».

-          D. Folscheid, J.-J. Wunenberger : Méthodologie philosophique, P.U.F., collection « Premier cycle ».

-          J. Russ : Les méthodes en philosophie, Armand Colin, collection « Cursus ».



[1] Deux développements ne permettent en général pas de résoudre un problème, cette résolution requérant une synthèse (troisième développement) ; mais, eu égard à la difficulté de « faire » une synthèse, les professeurs acceptent en général que la résolution du problème (la « synthèse ») se trouve en conclusion. En ce cas, cette dernière doit être extrêmement précise et consistante : elle doit effectivement résoudre le problème, et énoncer cette résolution avec le plus grand soin.

[2] Cette introduction est un peu longue pour des raisons pédagogiques évidentes, liées à ce document méthodologique. Lorsque vous ferez vos propres introductions, vous essaierez d’être plus synthétique. Sachez néanmoins que la précision requise dans l’introduction peut vous amener à la développer quelque peu, comme c’est le cas ici. Quoiqu’il en soit, une introduction trop brève vous empêcherait de poser le problème.