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en quel sens peut on dire que nos paroles depassent nos pensées

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Un début de problématisation ...

    « L'inconscient est une mĂ©prise sur le Moi, c'est une idolâtrie du corps. »
Alain, Éléments de philosophie.

INCONSCIENT

Le terme d'inconscient peut renvoyer à deux acceptions différentes. On peut en effet définir l'inconscient négativement, comme ce qui n'est pas conscient, comme le non-conscient. Mais on peut aussi définir l'inconscient positivement, comme une réalité psychique possédant un mode de fonctionnement et des caractéristiques propres. Dans ce cas, l'inconscient renvoie à la découverte freudienne et appartient au champ de la psychanalyse*. On peut noter que, dans la première acception -négative et plus large que la seconde-, le terme d'inconscient est plutôt employé sous la forme d'un adjectif et qualifie alors un état ou une personne, le substantif correspondant étant d'ailleurs "inconscience". Dans la seconde acception, au contraire, l'inconscient est d'abord utilisé sous la forme du substantif et c'est secondairement qu'il qualifie, comme adjectif, un sentiment ou une pensée. De ces distinctions, on retiendra que l'inconscient n'acquiert le statut de concept qu'avec Freud*. Et même si certains philosophes avant lui en eurent pour ainsi dire l'intuition, c'est avec Freud que l'assimilation de la pensée* et de la conscience* est radicalement mise en question. C'est du même coup la transparence du sujet à lui-même et l'idée de sa souveraineté qui se trouvent contestées.

-Les précurseurs

La philosophie classique, notamment avec Descartes*, en identifiant conscience et pensée, ne reconnaît pas l'existence d'un inconscient. Certes Leibniz* (1646-1716) admet l'existence de petites perceptions inconscientes, c'est-à-dire de "changements dans l'âme dont nous ne nous apercevons pas" (_Nouveaux Essais sur l'entendement humain_, II, chap. 1). Un siècle plus tard, Maine de Biran, dans son _Mémoire sur les perceptions obscures_, affirme lui aussi qu'il existe une sensibilité passive inconsciente. Enfin. Bergson*, analysant les mécanismes de la mémoire, montrera comment l'oubli chasse hors de la conscience les perceptions et les souvenirs qui ne sont pas utiles à l'action. Mais, dans tous les cas, cet inconscient désigne négativement ce qui n'est pas encore ou ce qui n'est plus conscient, par défaut d'intensité, d'intérêt ou de sens. La conscience reste encore l'instance privilégiée qui élabore et organise les matériaux psychiques en leur conférant une signification. Seul Nietzsche*, à travers sa critique du cogito, ira jusqu'à soutenir l'existence d'une pensée inconsciente et impersonnelle, mettant ainsi en question la prétention du sujet à maîtriser, grâce à la conscience, ses pensées et ses sentiments. Il écrit dans _Par-delà le bien et le mal_: "Une pensée ne vient que quand elle veut, et non pas quand c'est moi qui veux; de sorte que c'est une altération des faits de prétendre que le sujet moi est la condition de l'attribut "Je pense". Quelque chose pense, mais croire que ce quelque chose est l'antique et fameux moi, c'est une pure supposition". On est ici au plus près de l'inconscient tel que Freud le définira. Mais tandis que pour Nietzsche le problème est d'ordre métaphysique, Freud se place sur le terrain de la science et de la psychologie.

-L'inconscient selon Freud

C'est en effet d'abord et avant tout son expérience de médecin soignant des malades hystériques qui conduit Freud à forger l'hypothèse de l'inconscient, dont la réalité s'impose à lui et constitue le postulat fondamental de la psychanalyse. À travers ses nombreux écrits, Freud s'attachera à définir avec toujours plus de rigueur le concept d'inconscient et à en décrire les mécanismes.

Dans une première élaboration ou première topique*, vers 1905, Freud présente l'appareil psychique comme constitué de trois étages: l'inconscient, le préconscient et le conscient (respectivement notés Ics, Pcs et Cs). Le préconscient est statique et se définit négativement comme ce qui n'est pas conscient, mais peut le devenir. Il forme avec le conscient le système "préconscient-conscient". L'inconscient, lui, est défini positivement et dynamiquement. Il obéit à des lois de fonctionnement qui lui sont propres, et il est séparé du système Pcs-Cs par une force ou résistance qui s'oppose à ce que son contenu devienne conscient. L'inconscient n'est donc pas, comme le préconscient, du conscient latent; il est séparé de la conscience par la censure et est le résultat d'un refoulement*.

Dans une deuxième topique, et à partir de 1920. Freud, tout en maintenant la première différenciation du psychisme en conscient, préconscient, inconscient, présente le psychisme comme constitué de trois pôles ou instances: le ça*, le moi* et le surmoi*. Le ça est le pôle pulsionnel inconscient, gouverné par le principe de plaisir. Le moi cherche à satisfaire les pulsions du ça, tout en tenant compte du principe de réalité. Il est aussi, sans qu'il le sache, soumis aux exigences du surmoi, constitué par l'intériorisation inconsciente des interdits sociaux et parentaux. Le moi apparaît ainsi comme le médiateur des intérêts opposés du ça et du surmoi. Son autonomie est par conséquent toute relative.

-Inconscient et la liberté

À travers la découverte de l'inconscient, la souveraineté du sujet sur ses pensées, ses sentiments ou ses actes semble mise en cause. C'est pourquoi des philosophes comme Alain* ou Sartre* ont cherché à en atténuer la portée. Dans ses _Éléments de philosophie_, Alain réduit l'inconscient à la partie animale et instinctive de l'homme; Sartre, dans _L'Être et le Néant_, ramène l'inconscient à la mauvaise foi. Certes, une certaine vulgarisation de la notion d'inconscient n'est pas sans danger, lorsqu'elle conduit à interpréter hâtivement l'inconscient comme une force obscure qui nous gouverne. Mais l'inconscient est le résultat de l'histoire du sujet et c'est le sujet -et lui seul- qui, par le travail analytique, peut en ressaisir le sens et se l'approprier. C'est ce mouvement de réappropriation que traduit la formule de Freud: "Là où le ça était, je dois advenir (Wo Es war, soll Ich werden)".

TEXTES CLÉS: S. Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse et Essais de psychanalyse. TERMES VOISINS: inconscience; subconscient. TERME OPPOSÉ: conscience. CORRÉLATS: ça; conscience; hystérie; liberté; moi; perversion; psychanalyse; résistance; surmoi; topique.


A lire :
Inconscient : De l'usage du mot Ă  la notion
On qualifie volontiers d'inconscient celui qui ne se rend pas compte du danger qu'il encourt ou qu'il fait encourir aux autres. Inconscient peut même dans certains contextes être employé comme un synonyme de fou comme lorsqu'on qualifie quelqu'un de "complètement inconscient". Mais, ces inconscients-là, tout inconscients qu'ils sont, sont quand même conscients de ce qui leur arrive, au sens où ils se rendent compte qu'ils en ont l'expérience. Ce n'est pas le cas de celui qui perd connaissance ou qui est anesthésié: ce dernier n'est plus présent au monde qui l'entoure. Celui qui s'endort glisse progressivement dans un état d'inconscience, le sommeil apparaissant comme une suspension provisoire de sa vie éveillée. Cette mise entre parenthèses n'a que peu à voir avec l'aveuglement, la légèreté et l'irréflexion de l'imprudent ou du fou, si ce n'est cette dimension privative: l'un est faiblement présent au monde extérieur, l'autre faiblement présent aux conséquences de ses actes pour lui-même ou pour autrui.
Ces emplois divergents du mot risquent de faire écran à la compréhension de la notion d'inconscient telle qu'elle s'est progressivement élaborée d'abord en philosophie, puis en psychologie. Mais la langue n'est pas nécessairement un mauvais guide: si l'on remarque que le préfixe in- désigne, en français au moins, non pas tant une privation que l'opposition à..., le refus..., l'empêchement..., on aura fait un pas vers une conception positive (l'inconscient est quelque chose et non l'absence de conscience) et dynamique (l'inconscient exerce une force active) de la notion d'inconscient, voire du concept psychologique d'inconscient (qui désigne une représentation psychique non consciente ou, si l'on veut, une représentation non représentée).
C'est, semble-t-il, en anglais, au milieu du XVIIIe s., que se trouve la première occurrence du terme "inconscient" (unconscious) dans un texte écrit. Il n'apparaît guère en français avant le XIXe s., ce qui ne veut pas dire que la notion n'ait pas précédé l'apparition du mot, même si l'idée d'une représentation échappant à la conscience a pu paraître aussi peu intelligible que celle de cercle carré aux yeux de ceux pour qui conscience et psychisme sont synonymes. En fait, la diffusion du terme d'inconscient dans les milieux intellectuels européens est liée à la publication de la Philosophie de l'inconscient (1868) d'Eduard von Hartmann. Dans cet ouvrage rédigé en allemand, mais traduit en français dès 1877, l'inconscient est moins un principe fondamental de la psychologie qu'une notion philosophique générale permettant à l'auteur d'opérer une synthèse un peu hétéroclite de la philosophie idéaliste ou romantique allemande (Fichte, Schelling, Hegel, Schopenhauer principalement).

C'est sans nul doute avec Sigmund Freud (1856-1939), le fondateur de la psychanalyse*, que la notion d'inconscient psychique devient une notion fondamentale de la psychologie. Même s'il est excessif de nier l'influence de la notion philosophique d'inconscient alors régnante dans la culture, l'inconscient freudien, celui de la psychanalyse, n'est pas une notion philosophique. Freud présente l'inconscient comme une hypothèse de nature scientifique liée, à l'origine au moins, à une nécessité théorique indissociable d'une pratique clinique de psychothérapeute cherchant notamment à éclairer certaines maladies ou certains troubles psychiques, principalement ceux que la médecine de la fin du XIXe s. avait regroupés sous le terme d'hystérie*. C'est en ce sens que Jacques Lacan a pu dire que "l'inconscient freudien n'a rien à faire avec les formes dites de l'inconscient qui l'ont précédé, voire accompagné, voire qui l'entourent encore [...] L'inconscient de Freud n'est pas du tout l'inconscient romantique de la création imaginant. Il n'est pas le lieu des divinités de la nuit" (Le Séminaire, livre XI, p. 26).

La notion philosophique d'inconscient
L'inconscient est-il de l'indistinct et du confus?
Qu'une foule de phénomènes se produise sans que la conscience en soit avertie est chose aisément constatable. Non seulement la conscience ne perçoit actuellement de la réalité extérieure qu'une faible partie -celle qui entre dans son horizon de perception ou dans son champ d'attention actuel- mais une bonne partie de ce qui se passe dans le corps auquel elle est jointe lui échappe (la plupart des processus physiologiques* se font sans que la conscience ne s'en aperçoive). Toute conscience est donc sélective et ne prête guère attention à ce qui se passe en marge de son centre d'intérêt du moment.

Pourtant, chacun a aussi pu faire l'expérience du fait que de nombreuses impressions, quoique inaperçues, ne laissent pas de jouer un rôle dans la vie psychique. Sans qu'on y prête attention, ces impressions affectent l'esprit humain. Le plus souvent, ces représentations confuses, fugitives ou faibles, s'évanouissent sans laisser de traces. On est alors tenté de leur dénier toute consistance et toute importance. Pourtant, si prises isolément ces représentations inaperçues sont quantité négligeable, la somme de ces presque-riens joue un rôle dans la constitution des représentations conscientes: le mugissement de la mer n'est-il pas la résultante de la somme des bruits imperceptibles de chaque goutte d'eau qui compose la vague C'est en tout cas ainsi que Leibniz, bien qu'il n'emploie pas le terme d'inconscient, remarque que des "petites perceptions", "trop petites pour être aperçues" isolément, donc des représentations inconscientes, pouvaient devenir des "perceptions notables", c'est-à-dire des représentations conscientes, à l'image du calcul infinitésimal où la somme de quantités infiniment petites est bien une quantité (texte 1). Or selon Leibniz, "nous ne sommes jamais sans perceptions, mais il est nécessaire que nous soyons souvent sans aperceptions, savoir lorsqu'il n'y a pas de perceptions distinguées" (Nouveaux Essais sur l'entendement humain, liv. II, chap. XIX). S'il y a continuité de l'inaperçu au perçu, peut-être faut-il alors se représenter la distinction entre la conscience et l'inconscience comme une différence de degré plutôt que de nature. C'est ce que soutient Bergson en refusant qu'on oppose mécaniquement le règne animal caractérisé par les formes conscientes de la vie et le règne végétal auquel il faudrait refuser toute forme de conscience.
L'inconscient est-il l'inconnaissable?
Néanmoins l'idée que des représentations inconscientes participent à la formation des représentations conscientes ouvre la possibilité que la conscience ne soit pas au fondement de la vie psychique. L'idée que la vie psychique n'est qu'un phénomène second, venant après coup et s'étayant sur autre chose que la conscience de soi du sujet pensant, a été soutenue par Schopenhauer. Pour l'auteur du Monde comme volonté et comme représentation, l'activité consciente (la représentation) est une réfraction et une objectivation d'un monde dont l'essence est la volonté ou le vouloir-vivre. Mais cette volonté n'est pas la volonté au sens traditionnel. Elle n'est pas la faculté d'un sujet conscient de poser des buts et d'y tendre, mais plutôt une sorte de force présente "à son plus bas degré [...] comme une pression aveugle, comme une poussée obscure, engourdie, loin de toute possibilité immédiate d'être connue". De la matière inorganique jusqu'aux êtres vivants et jusqu'à l'homme, toute la réalité est conçue comme les différents degrés d'objectivation de cette volonté qui échappe à toute possibilité d'être représentée telle qu'elle est. Elle peut être dite, à ce titre, sinon inconsciente, au moins inconnaissable. La conscience de son côté est représentation du monde, miroir de cette volonté - mais un miroir ne donnant à voir qu'illusion, sorte de Voile de Maïa, la divinité indienne qui jette un voile d'illusion sur le monde perçu (texte 2). Certes, on ne peut assimiler sans précaution cette notion de vouloir-vivre à un concept strict de l'inconscient car ce que Schopenhauer appelle volonté ne relève pas essentiellement du psychisme. Mais il est possible de parler ici d'inconscient en un sens large et somme toute faible, synonyme de "non actuellement connu".

L'idée d'une représentation inconsciente est-elle concevable?
On voit que la notion d'inconscient ne se réduit pas à qualifier ce qui est sous-jacent aux représentations conscientes et qui exerce à la marge de la conscience une influence sur elle. Faire de l'inconscient une catégorie fondamentale de la réalité présente certes l'inconvénient de perdre en compréhension et en précision ce qu'on pense avoir gagné en extension. Mais peut-être faut-il retenir que l'inconscient est au moins une notion qui invite à remettre en cause fondamentalement certaines habitudes de pensée. Ainsi, on a tendance à considérer comme quelque chose qui n'existe pas ou plus les états psychologiques inconscients parce qu'ils ne sont pas actuellement présents à la conscience. C'est parce qu'il conçoit la conscience comme la marque caractéristique du présent et de l'être agissant (texte 7) que Bergson peut concevoir la représentation inconsciente comme une représentation refoulée par la conscience. Cela permettrait de donner à la notion de représentation inconsciente, "en dépit d'un préjugé répandu", une clarté et une assise théorique fortes (texte 3).
Le concept psychologique d'inconscient
Qu'est-ce qui distingue le concept psychologique de la notion philosophique d'inconscient?
Dans un article pour une revue de psychiatrie, le psychologue français Pierre Janet (1859-1947) se plaignait de l'usage que l'on faisait du terme de subconscient, notion voisine mais distincte de celle d'inconscient: "Depuis l'époque où j'employais le mot "subconscient" dans un sens purement clinique et terre à terre, d'autres auteurs ont employé le mot dans un sens beaucoup plus relevé mais moins précis. On a désigné par ce mot des activités inconnues et merveilleuses qui existent paraît-il au-dedans de nous-même sans que nous en soupçonnions l'existence" (Janet, Rapport sur la suggestion, 1927). C'est au nom de la précision requise par la rigueur scientifique que Janet renonce à ce terme devenu une sorte de fourre-tout. On a là une assez bonne illustration de la différence entre une approche psychologique et expérimentale d'une notion et son approche philosophique. Ce que Janet dit du subconscient pourrait s'appliquer aussi bien à l'inconscient de Freud. L'inconscient de la psychologie n'est ni celui de la philosophie (texte 12), ni celui du sens commun, quand bien même il est toujours possible de pointer des analogies entre la notion philosophique et le concept psychologique. Cette distinction entre la notion philosophique et le concept scientifique de l'inconscient a été soulignée par Yvon Brès, qui montre dans un essai sur l'histoire de la notion que "Freud n'a pas découvert l'inconscient" et que "le crédit qui lui est souvent fait de cette invention, même par des personnes cultivées, est une des plus grandes mystifications de notre époque" (texte 14).

FREUD
Pourquoi est-il nécessaire de faire l'hypothèse de l'existence d'un inconscient?
Même si Freud n'a pas inventé la notion d'inconscient, il est le premier à avoir postulé de façon radicale la nécessité de faire l'hypothèse de l'existence d'un "inconscient" comme partie constitutive du psychisme de tout individu (texte 5). Il faut noter que Freud s'efforce d'inscrire cette hypothèse dans une perspective théorique de fondation d'une nouvelle discipline scientifique, la psychanalyse* (texte 9) et dans une perspective pratique, celle du traitement psychothérapeutique des troubles névrotiques. La psychanalyse, ou science de l'inconscient, se veut à la fois une théorie scientifique et une pratique clinique ayant pour objet de soigner certaines affections psychiques dont les symptômes ne peuvent se ramener à une quelconque lésion physique ou physiologique* identifiable. Du point de vue théorique, elle suppose que l'on admette que le "moi n'est pas maître dans sa maison", constat et découverte qui blessent "l'égoïsme naïf de l'humanité" (Freud, Introduction à la psychanalyse, 1915).
Comment l'inconscient se manifeste-t-il?
Dans la mesure où l'hypothèse freudienne n'est pas une conjecture philosophique, mais une hypothèse scientifique exigée par une nécessité théorique, il importe sans doute moins d'essayer de prouver qu'il y a un inconscient que d'en élaborer le contenu. Mais comment déterminer le contenu de ce qui ne se montre pas de soi-même? En fait, Freud montre qu'il existe de multiples manifestations indirectes de l'inconscient. Du coup toute une partie du travail de l'analyse -analysis signifie en grec, "délier", "dénouer en remontant"- consiste à interpréter, comme on déchiffre un rébus ou comme on résout une énigme policière, les manifestations de l'inconscient. Si l'on reprend une expression imagée de Jacques Lacan qui caractérisait l'inconscient comme "ce qui se ferme dès que ça s'est ouvert" (Séminaire du 22 avril 1964), on pourrait dire que la psychanalyse interroge le mode de manifestation de ce contenu qui se referme en s'ouvrant.
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En fait, la théorie de l'inconscient s'est élaborée progressivement par l'analyse de cas individuels concernant aussi bien des sujets névrosés* que des sujets sains. Ainsi, outre l'étude de certains cas pathologiques comme les névrosés et notamment les hystériques*, on trouvera dans l'oeuvre de Freud des analyses portant sur des phénomènes ordinaires comme l'expérience des lapsus ou des actes manqués, ou encore des analyses portant sur le rêve. C'est en effet l'analyse du rêve qui fournit le meilleur modèle théorique permettant de comprendre comment fonctionne, selon Freud, l'appareil psychique en général. L'analyse du rêve est ainsi la "voie royale pour la connaissance de l'inconscient" (texte 8). Elle permet de mettre au jour un certain nombre de lois (déplacement, condensation, symbolisation etc.) dont la validité est étendue au fonctionnement de l'inconscient.
Quel est le contenu de l'inconscient?
Si l'analyse des rêves a été décisive pour le développement de la psychanalyse, l'un des points essentiels de la théorie freudienne est le lien qu'elle établit entre l'accomplissement des désirs en quoi consiste le rêve, et le phénomène du refoulement*. Le désir dont le rêve est l'accomplissement, serait toujours greffé sur un désir infantile dont le réveil a pu être suscité par le désir conscient ou représenté (texte 4). Contrairement à ce que prétend la sagesse des nations, le sens des rêves serait donc relatif, non à l'avenir (les fameux "rêves prémonitoires"), mais à la préhistoire infantile du rêveur (texte 8).
Pourquoi analyser l'inconscient?
La théorie freudienne fait de l'exploration méthodique de l'inconscient, donc de la reconquête partielle de l'inconscient par la conscience, le moyen par excellence de la guérison de certaines affections psychiques, névroses*, troubles du comportement comme les phobies* qui entravent le patient. Il s'agit de le guérir, ce qui veut dire le rendre à nouveau capable de supporter la vie, de travailler et d'aimer. Cela passe par un travail lent et patient, celui de la cure analytique. Celle-ci repose sur la méthode de la libre association, méthode élaborée par Freud entre 1892 et 1898 et qui a remplacé la technique jugée aléatoire et peu efficace de l'hypnose*. Le patient doit laisser advenir sans discrimination toutes les pensées qui lui viennent à l'esprit soit à partir d'un donné, soit spontanément. Freud décrit ainsi le projet de la psychanalyse: wo Es war, soll Ich werden: "où était le Ça [l'ensemble des pulsions refoulées et donc inconscientes], le Moi doit advenir".
Appliquée à la genèse de la personnalité psychique, la théorie analytique a notamment permis de mettre en évidence le rôle de la sexualité dans le développement de la personnalité psychique. Freud distingue ainsi divers stades de l'évolution de la libido* désignés en fonction des différentes parties du corps auquel l'enfant attache un intérêt particulier (stade oral, plaisir de la succion chez le nourrisson, stade sadique-anal et sadique-oral, stade phallique).

FREUD
-L'inconscient selon Freud
C'est en effet d'abord et avant tout son expérience de médecin soignant des malades hystériques qui conduit Freud à forger l'hypothèse de l'inconscient, dont la réalité s'impose à lui et constitue le postulat fondamental de la psychanalyse. À travers ses nombreux écrits, Freud s'attachera à définir avec toujours plus de rigueur le concept d'inconscient et à en décrire les mécanismes.
Dans une première élaboration ou première topique*, vers 1905, Freud présente l'appareil psychique comme constitué de trois étages: l'inconscient, le préconscient et le conscient (respectivement notés Ics, Pcs et Cs). Le préconscient est statique et se définit négativement comme ce qui n'est pas conscient, mais peut le devenir. Il forme avec le conscient le système "préconscient-conscient". L'inconscient, lui, est défini positivement et dynamiquement. Il obéit à des lois de fonctionnement qui lui sont propres, et il est séparé du système Pcs-Cs par une force ou résistance qui s'oppose à ce que son contenu devienne conscient. L'inconscient n'est donc pas, comme le préconscient, du conscient latent; il est séparé de la conscience par la censure et est le résultat d'un refoulement*.
Dans une deuxième topique, et à partir de 1920. Freud, tout en maintenant la première différenciation du psychisme en conscient, préconscient, inconscient, présente le psychisme comme constitué de trois pôles ou instances: le ça*, le moi* et le surmoi*. Le ça est le pôle pulsionnel inconscient, gouverné par le principe de plaisir. Le moi cherche à satisfaire les pulsions du ça, tout en tenant compte du principe de réalité. Il est aussi, sans qu'il le sache, soumis aux exigences du surmoi, constitué par l'intériorisation inconsciente des interdits sociaux et parentaux. Le moi apparaît ainsi comme le médiateur des intérêts opposés du ça et du surmoi. Son autonomie est par conséquent toute relative.

Textes
« On nous conteste dans tous côtés le droit d’admettre un psychisme inconscient et de travailler scientifiquement avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient. Elle est nécessaire, parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l’homme sain que chez le malade. Il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d’autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience. Ces actes ne sont pas seulement les actes marqués par les rêves, ches l’homme sain, et tout ce qu’on appelle symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d’idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l’origine, et de résultats de pensée dont l’élaboration nous est demeurée cachée. Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu’il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d’actes psychiques ; mais ils s’ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés. Or, nous trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d’aller au-delà de l’expérience immédiate.
Freud, MĂ©tapsychologie

« Vous dites toujours, dĂ©clare une spirituelle patiente, que le rĂŞve est un dĂ©sir rĂ©alisĂ©. Je vais vous raconter un rĂŞve qui est tout le contraire d’un dĂ©sir rĂ©alisĂ©. Comment accorderez-vous cela avec votre thĂ©orie ? » Voici le rĂŞve : je veux donner un dĂ®ner mais je n’ai pour toutes provisions qu’un peu de saumon fumĂ©. Je voudrais aller faire des achats mais je me rappelle que c’est dimanche après-midi et que toutes les boutiques sont fermĂ©es. Je veux tĂ©lĂ©phoner Ă  quelques fournisseurs mais le tĂ©lĂ©phone est dĂ©traquĂ©. Je dois donc renoncer au dĂ©sir de donner un dĂ®ner. (…) Ce qui vient (d’abord Ă  l’esprit (de la malade) n’a pu servir Ă  interprĂ©ter le rĂŞve. J’insiste. Au bout d’un moment, comme il convient lorsqu’on doit surmonter une rĂ©sistance elle me dit qu’elle a rendu visite hier Ă  une de ses amies ; elle en est fort jalouse parce que son mari en dit toujours beaucoup de bien. Fort heureusement l’amie est maigre et son mari aime les formes pleines. De quoi parlait donc cette personne maigre ? Naturellement de son dĂ©sir d’engraisser. Elle lui a aussi demandĂ© : « Quand nous inviterez-vous Ă  nouveau ? On mange si bien chez vous ».Le sens du rĂŞve est clair maintenant. Je peux dire Ă  ma malade : « C’est exactement comme si vous lui aviez rĂ©pondu mentalement « Oui-da », je vais t’inviter pour que tu manges bien que tu engraisses et que tu plaises plus encore Ă  mon mari ! J’aimerais mieux ne plus donner de dĂ®ner de ma vie. » (…) Le rĂŞve accomplit ainsi votre vĹ“u de ne point contribuer Ă  rendre plus belle votre amie (…). Il ne manque plus qu’une concordance qui confirmerait la solution. On ne sait encore Ă  quoi le saumon fumĂ© rĂ©pond dans le rĂŞveꀀ: « D’oĂą vient que vous Ă©voquez dans le rĂŞve le saumon fumĂ© ? » « C’est, rĂ©pond-elle, le plat de prĂ©dilection de mon amie. »
S. Freud, L’interprétation des rêves, P.U.F., pp. 112-114.

Exercez vos qualités de réflexion et d’argumentation en répondant aux questions suivantes :
 Quel problème philosophique l’auteur de ce texte soulève-t-il et comment tente-t-il de le rĂ©soudre ?
• Jugez-vous son argumentation convaincante ?

« Un proverbe met en garde de servir deux maîtres à la fois. Le pauvre moi est dans une situation encore pire, il sert trois maîtres sévères, il s’efforce de concilier leurs revendications et leurs exigences. Ces revendications divergent toujours, paraissent souvent incompatibles, il n’est pas étonnant que le moi échoue si souvent dans sa tâche. (…) Quand on suit les efforts du moi pour les satisfaire tous en même temps, plus exactement pour leur obéir en même temps, on ne peut que regretter d’avoir personnifié ce moi, de l’avoir présenté comme un être particulier. Il se sent entravé de trois côtés, menacé par trois sortes de dangers auxquels il réagit, en cas de détresse, par un développement d’angoisse. (…)
Poussé par le ça, entravé par le surmoi, rejeté par la réalité, le moi lutte pour venir à bout de sa tâche économique, qui consiste à établir l’harmonie parmi les forces et les influences qui agissent en lui et sur lui, et nous comprenons pourquoi nous ne pouvons très souvent réprimer l’exclamation : « la vie n’est pas facile ! » Lorsque le moi est contraint de reconnaître sa faiblesse, il éclate en angoisse, une angoisse réelle devant le monde extérieur, une angoisse de conscience devant le surmoi, une angoisse névrotique devant la force des passions logées dans le ça ».
S. Freud, Nouvelles Conférences d’introduction à la psychanalyse

Critiques de l'inconscient
L'hypothèse d'un déterminisme inconscient prive-t-elle le sujet de responsabilité?
À vouloir rapporter toutes les conduites humaines à l'expression d'un inconscient caché, et donc expliquer le clair par l'obscur, ne risque-t-on pas d'ôter au sujet la responsabilité de ses actes? C'est en tout cas un risque que dénonce Alain, qui s'en prend moins à l'hypothèse freudienne qu'à certaines dérives du freudisme (texte 10).
Faut-il croire que l'inconscient peut ĂŞtre objet de science?
Pour Freud, la psychanalyse est une science encore balbutiante, mais c'est à ses yeux une science authentique qu'il convient de classer non pas parmi les "sciences de l'homme", mais au nombre des sciences de la nature. Certes, comme toute science, ses concepts fondamentaux sont nécessairement caractérisés, au moins dans un premier temps, par une certaine indétermination (texte 9). Ce n'est qu'avec de l'expérience et la pratique de cas (la clinique psychanalytique) que ces concepts fondamentaux sont supposés gagner en précision et acquérir une valeur opératoire. Freud tient d'ailleurs à souligner que ces concepts fondamentaux ne s'appliquent pas extérieurement et après coup à l'expérience, mais, comme pour toute science expérimentale (physique, médecine, biologie etc.) qu'ils organisent à l'avance le matériau propre à son domaine d'étude (texte 11).
La psychanalyse, mythe ou pseudo-science?

Mais l'expérience analytique peut-elle être assimilée à l'expérimentation reproductible qui caractérise les sciences de la nature, alors qu'elle fait appel à un type spécifique d'observation, à savoir le récit d'un cas, par définition unique? La critique historique et précise des récits de cas conduite par les historiens de la psychanalyse a pu mener certains à mettre en doute la possibilité de fonder une discipline scientifique sur ce type de protocole où la subjectivité de l'analyste joue un rôle décisif. C'est pourquoi Mikkel Borch-Jacobsen se demande si la psychanalyse n'est pas un "conte de fée scientifique" (texte 15). Le fait qu'on puisse interpréter tout comportement humain imaginable à partir de l'hypothèse de l'inconscient tendrait à faire de la psychanalyse un système herméneutique, ou interprétatif, qui en tant que tel apparaît irréfutable. Et c'est précisément cette irréfutabilité qui, selon Karl Popper, relègue la psychanalyse au rang de pseudo-science, au même titre que, par exemple, l'astrologie. Une théorie véritablement scientifique doit pouvoir énoncer les conditions dans lesquelles elle devrait être tenue pour fausse. Or la psychanalyse est incapable d'énoncer ces conditions (texte 13). De ce fait, la doctrine freudienne de l'inconscient non seulement ne saurait être certaine, mais encore ne devrait être considérée que comme une théorie non scientifique, une simple mythologie. Reste que le mythe peut être considéré après tout comme une forme de pensée, qui à défaut d'exactitude scientifique n'est pas nécessairement dépourvue d'une certaine vérité.
Sujets de dissertation
La psychanalyse peut-elle prétendre être une science?
L'existence de l'inconscient est-elle une hypothèse ou une certitude?
La connaissance de l'inconscient apporte-t-elle quelque chose d'essentiel Ă  la connaissance de l'homme?
Peut-on dire que notre inconscient agit Ă  notre place?
L'idée d'inconscient exclut-elle celle de liberté?

SARTRE
-Inconscient et la liberté
À travers la découverte de l'inconscient, la souveraineté du sujet sur ses pensées, ses sentiments ou ses actes semble mise en cause. C'est pourquoi des philosophes comme Alain* ou Sartre* ont cherché à en atténuer la portée. Dans ses _Éléments de philosophie_, Alain réduit l'inconscient à la partie animale et instinctive de l'homme; Sartre, dans _L'Être et le Néant_, ramène l'inconscient à la mauvaise foi. Certes, une certaine vulgarisation de la notion d'inconscient n'est pas sans danger, lorsqu'elle conduit à interpréter hâtivement l'inconscient comme une force obscure qui nous gouverne. Mais l'inconscient est le résultat de l'histoire du sujet et c'est le sujet -et lui seul- qui, par le travail analytique, peut en ressaisir le sens et se l'approprier. C'est ce mouvement de réappropriation que traduit la formule de Freud: "Là où le ça était, je dois advenir (Wo Es war, soll Ich werden)".


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Citations sur en quel sens peut on dire que nos paroles depassent nos pensées :

puce La parole a été donnée à  l'homme pour expliquer ses pensées, et tout ainsi que les pensées sont les portraits des choses, de même nos paroles sont-elles les portraits de nos pensées. - (Jean-Baptiste Poquelin) Molière
puce Ainsi on peut bien dire que ce mot vérité, en sa propre signification, dénote la conformité de la pensée avec l'objet, mais que, lorsqu'on l'attribue aux choses qui sont hors de la pensée, il signifie seulement que ces choses peuvent servir d'objets à des pensées véritables, soit aux nôtres, soit à celles de Dieu; mais on ne peut donner aucune définition de logique qui aide à connaître sa nature. - Descartes
puce Dès qu'on a pensé quelque chose, chercher en quel sens le contraire est vrai. - Simone Weil
puce Quel sens avait donc la vie si elle n'était pas une longue préparation à  la mort ? - Hugh MacClennan
puce Mais la relation au visage est d'emblée éthique. Le visage est ce qu'on ne peut tuer, ou du moins, ce dont le sens consiste à dire: "tu ne tueras point. - E. Levinas