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Le temps - Cours de philosophie

Le temps

 

Les enjeux de la notion – une première définition

 

            Poser la question de ce qu’est le temps, cela semble relever à première vue d’enjeux purement théoriques. En quoi cette question se rattache-t-elle à notre existence, à notre activité pratique ? En effet, il est vrai que les auteurs que nous étudierons ont fourni des réponses si subtiles, si « abstraites »  qu’il pourrait sembler que le temps est un objet de connaissance comme les autres dont on peut traiter sans se sentir engagé, impliqué dans la réponse même. Mais pourquoi alors le temps a-t-il été un problème fondamental de la pensée philosophique (il serait par exemple aisé de démontrer qu’il a bien plus occupé les philosophes que le problème de l’espace duquel on le rapproche souvent). Ce qu’il faut bien comprendre ici (et qui vaut pour toute réflexion philosophique), c’est qu’une « bonne » abstraction n’est pas ce qui s’oppose au concret mais ce qui donne les moyens d’en rendre compte, de l’expliquer et parfois de le modifier. C’est en ce sens que nous montrerons dans cette introduction l’ancrage de la question du temps dans des questions d’ordre « existentielles ». Tout d’abord, ce que chacun éprouve du temps, c’est son irréversibilité (voir Jankélévitch). Ce qui a eu lieu est irrévocable. Il y a déjà bien des choses dont on inverserait l’ordre qu’avec violence mais, en ce qui concerne le temps, cela est tout simplement impossible. De ceci découle la dimension profondément morale du temps. En effet, si l’acte dès qu’il est réalisé, dès qu’il tombe dans le passé (du plus immédiat au plus lointain) ne peut plus être corrigé, alors, le savoir ou le sentiment moral (selon que l’on définisse la moralité comme une science ou un sentiment) est requise afin de ne pas commettre l’irréparable. On comprend également à quel point la volonté est ici décisive. Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que chacun de nous aura un passé sur lequel il ne pourra rien (du moins sur les faits puisque chacun peut modifier sa relation à son propre passé), passé qui menace de faire naître le regret ou le remords ? Comment alors procéder pour que cette irréversibilité ne conduise pas à interdire toute action, toute passivité ? Dire que c’est seulement par « inconscience » des conséquences de leurs actes que les hommes agissent est bien sûr insuffisant. Ce qu’il faut alors rechercher, c’est l’action droite, l’action morale ou plus modestement l’action appropriée à une situation.  Venons-en à présent au second point. Si le passé échappe au contrôle de l’homme, il en va de même pour une (au moins) dimension du futur, cette dimension qui se situe après la mort. À ce titre, il n’est pas inintéressant de remarquer que nous sommes bien plus préoccupés par l’après de la mort que par l’avant de la naissance, alors même qu’il n’y a pas de différence entre ces deux moments du point de vue de notre existence.  De la peur de la mort naît le désir d’immortalité. La majorité des théories de l’âme ont ainsi pensé celle-ci comme éternelle. Être éternel, c’est ne plus être soumis au temps et à ces vicissitudes, à la vieillesse du corps ou encore à ce qu’Aristote appelle la corruption des êtres organiques. On notera enfin, même si cela paraîtra évident à chacun, que le temps se laisse penser sous les trois modalités du passé, du présent et du futur, le présent ayant souvent une prééminence sur le passé qui est mémorisé et sur le futur qui est projeté. Comprendre les relations qu’entretiennent ces trois modalités du temps, c’est probablement comprendre ce qu’est le temps lui-même.

 

La philosophie antique

 

« Car tout cela, ce sont des divisions du Temps : le passé et le futur sont des espèces engendrées du Temps, et lorsque nous les appliquons hors de propos à la substance éternelle, c'est que nous en ignorons la nature. Car nous disons de cette substance qu'elle était, qu'elle est et qu'elle sera. Or, en vérité, l'expression est ne s'applique qu'à la substance éternelle. Au contraire, était, sera sont des termes qu'il convient de réserver à ce qui naît et progresse dans le Temps. Car ce ne sont que des changements. Mais ce qui est toujours immuable et inchangé, cela ne devient ni plus vieux, ni plus jeune, avec le temps, et jamais cela ne fut, ni ne devient actuellement, ni ne sera dans le futur. » Platon, Timée

 

            Débutons notre exposé avec la pensée d’Héraclite dont on connaît la célèbre parole : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». En effet, pour Héraclite, l’unique principe de la génération des choses est le feu. Pour cette raison, chaque chose est sans cesse menacée de destruction. Rien n’est stable dans le monde ; tout est soumis au mouvement, à l’écoulement, au devenir. Héraclite s’oppose en ce sens à Parménide, selon qui l’Un est immobile, immuable. La conception de Platon est proche de celle de Parménide. En effet, selon lui, le monde est l’image des Dieux éternels qui sont ainsi des modèles. Le monde devait ainsi être le plus semblable possible aux dieux. Mais puisqu’il avait été engendré, il était impossible qu’il soit éternel. C’est en ce sens qu’a été formée cette image mobile de l’éternité immobile que nous appelons le temps et qui progresse selon la loi du nombre. Le changement et par conséquent les verbes au passé et au futur ne peuvent s’appliquer à la substance éternelle ; ils ne s’appliquent qu’aux choses du monde, choses sensibles soumises au devenir et aux accidents.

 

            Dans la Physique, Aristote se pose la question suivante : le temps est-il un pur produit de notre conscience ou existe-t-il en dehors d’elle ? Puisque le temps est ce qui peut être nombré, il présuppose la faculté organisatrice de l’âme, la conscience de la durée. On optera alors pour la première des alternatives précédentes. Mais nous devons pourtant reconnaître les effets du temps sur les choses qui nous sont extérieures. S’il n’y avait pas notre conscience, le monde ne serait pas pour autant un chaos, il serait toujours soumis à un ordre successif : celui des jours et des nuits, des saisons, des astres. Ce qui ainsi démontre l’action du temps, c’est le mouvement qui modifie l’aspect et la position des choses. Le mouvement est le principe de la génération, de la corruption de l’accroissement et de l’altération des choses. Il produit une rupture entre deux états. C’est à partir de cette rupture que l’on peut parler d’antérieur et de postérieur. Aristote définit donc le temps comme « le nombre du mouvement ». Einstein dans la théorie de la relativité rejoindra les vues d’Aristote en ce sens qu’il affirmera que nous percevons le temps en fonction du mouvement et plus encore que chaque mouvement a sa propre temporalité.

 

            Lorsque Platon évoque le mythe d’Er l’Arménien qui présente la vie humaine comme intégrée à un mouvement dans lequel chaque chose se répète, revient, il se réfère à une conception très répandue dans l’Antiquité selon laquelle le temps n’est pas linéaire mais cyclique. Cette conception, qui avait déjà été soutenue par les pythagoriciens, ce sont les stoïciens qui l’ont renouvelée et l’ont défendue avec le plus de vigueur et le plus de rigueur (en la détachant de toute pensée mythique). Notons cependant que pour eux, la cyclicité (ce que l’on a nommé à la suite de Nietzsche éternel retour) n’est pas une question concernant spécifiquement le temps (dont les stoïciens disent que c’est un incorporel) mais une question de physique. Pour les stoïciens, le temps est un intervalle du mouvement à partir duquel se mesure la vitesse et la lenteur. Revenons-en à la cyclicité du monde : c’est le feu primitif qui est au fondement de toutes choses : à partir de lui le souffle divin (la raison) engendre les quatre éléments puis les êtres individuels. C’est le souffle qui maintient l’unité du monde et la cohésion de chaque individu. Mais après cette activité de déploiement à partir du feu primitif vient un moment où celui-ci absorbe toute chose en lui ; c’est la conflagration, la fin du monde mais aussi le début de son recommencement à l’identique.

 

            Écartons-nous enfin un court instant de la philosophie antique pour évoquer Saint Augustin. (IV-Vème siècle de notre ère). Selon lui, nous connaissons le passé parce qu’il y a des choses qui « passent » et nous connaissons l’avenir parce qu’il y a des choses qui adviennent. Mais quel est l’être du passé et de l’avenir si ceux-ci ne « sont » (au sens du présent) pas. Et quel est l’être du présent si lui-même s’engouffre dans le passé (si ce n’était pas le cas, le présent serait l’éternité). La solution de Saint Augustin est la suivante : on ne peut pas dire qu’il y a trois temps qui sont le présent, le passé et l’avenir (car ces deux derniers ne « sont » pas). Il y a pourtant bien trois temps mais ce sont le « présent relatif au passé » (mémoire), le « présent relatif au présent » (perception) et « le présent relatif à l’avenir » (attente).

 

La philosophie classique et moderne

 

« Le temps n’est pas quelque chose qui existe en soi, ou qui soit inhérent aux choses comme une détermination objective, et qui, par conséquent, subsiste, si l’on fait abstraction de toutes les conditions subjectives de leur intuition ; dans le premier cas, en effet, il faudrait qu’il fût quelque chose qui existât réellement sans objet réel. Mais dans le second cas, en qualité de détermination ou d’ordre inhérent aux choses elles-mêmes, il ne pourrait être donné avant leur objet comme leur condition, ni être connu a priori par des propositions synthétiques. » Kant, Critique de la raison pure.

 

            Intéressons-nous à présent à la philosophie classique en évoquant pour commencer deux auteurs qui cherchent l’un à affirmer que le temps n’a pas à être l’objet d’un questionnement, l’autre à dire que l’âme est (ou du moins peut être) indépendante du temps. Pascal pense que le temps est tellement attaché au sentiment de notre existence qu’il ne requière pas d’explication. C’est un terme premier. Tous les hommes expérimentent le temps de la même manière. Lorsqu’on nous parlons du temps, nous pensons tous à la même chose. Et lorsque nous essayons de le définir, nous faisons toujours entrer en jeu dans la définition le temps lui-même en usant de termes tels que « successif », « devenir », etc. Spinoza s’attache quant à lui à démontrer l’indépendance de l’âme à l’égard du temps. Illustrons tout d’abord cette indépendance en des termes différents de ceux de Spinoza. Lorsque nous découvrons quelque chose, nous ne pensons pas que cette chose devient vraie au moment précis où nous la découvrons, elle l’était déjà auparavant. Il y a donc une intemporalité de la vérité. On peut objecter qu’il y a des choses qui étaient vraies et qui sont devenues fausses mais dans ce cas, ce sont les choses elles-mêmes qui ont changé et non le vrai qui est devenu faux. Ce qui est intemporel, c’est l’essence des choses. Pour Spinoza, notre âme est elle aussi intemporelle. Dès que nous pensons du point de vue de la nécessité (déterminisme) des choses, dès que nous nous situons sur le plan de l’universel et donc de la vérité, nous sommes nous-même éternels. « Nous sentons et faisons l’expérience que nous sommes éternels ».

 

            Newton va rejeter toutes les conceptions empiriques du temps. Selon lui, le temps est de nature mathématique ; c’est un abstrait, un absolu ; il est homogène et indépendant de toutes les choses qui prennent place en lui mais ne le détermine aucunement. Kant, qui désirait répéter en philosophie la révolution copernicienne ayant lieu en physique, propose une conception tout à fait nouvelle du temps. Le temps est, dit-il, une forme a priori de la sensibilité. Que cela signifie-t-il ? Que le temps n’est pas une substance, une chose mais une forme de la connaissance humaine, un des principes d’organisation de l’expérience que l’homme met en œuvre. Cette forme est dite a priori en tant qu’elle précède les données sensibles et s’applique à elle, autrement dit en tant qu’elle rend possible l’expérience. Le temps est présent dans toute expérience, que celle-ci concerne des objets extérieurs ou qu’elle soit intérieure, comme l’est l’imagination par exemple. Ajoutons ceci que la forme que confère le temps n’est pas conceptuelle, mais sensible ; elle est donnée dans une intuition immédiate. Le temps est ainsi inséparable des phénomènes (la chose en soi quant à elle échappe à notre expérience)

 

            Évoquons enfin Nietzsche qui reformule (sans le savoir lui-même) la pensée stoïcienne de ce qu’il appelle l’éternel retour. Il est très difficile d’enfermer la pensée de Nietzsche dans un système mais nous pouvons tout de même avancer ceci : selon lui, le monde est constitué d’une multiplicité de forces qui cherche à s’épanouir, se développer, dominer (volonté de puissance). À un instant donné, le monde n’est rien d’autre qu’une certaine combinaison de ces forces. Mais puisque le nombre de forces est limité et déterminé à jamais, les combinaisons peuvent revenir, se répéter un nombre infini de fois. Cependant, cette hypothèse cosmologique serait assez peu intéressante si elle ne se liait pas à une dimension éthique, pratique. L’idée même de l’éternel retour n’est peut-être même rien d’autre qu’un moyen ou une exhortation visant à un développement de la puissance des hommes (avènement du surhomme). En effet, ce que nous demande Nietzsche, c’est de penser, lorsque nous agissons, que cette action pourrait se répéter à l’infini. Serions-nous prêt à revivre éternellement ce que nous sommes actuellement en train de vivre ?  

 

La phénoménologie

 

N’avons-nous pas jusqu’ici constamment figé le Dasein dans certains états et situations et « par conséquent » négligé que, vivant au jour le jour, il s’étend temporellement dans la succession de ses jours ? La routine, l’habitude, l’ « aujourd’hui et demain comme hier », la « plupart du temps », ne sauraient se concevoir sans revenir sur l’extension temporelle du Dasein. Et n’est-ce pas aussi un fait inséparable du Dasein existant que, en passant son temps, il tienne quotidiennement compte du temps et en dresse le « compte » selon le calendrier astronomique ? Heidegger, Être et temps.

 

 

            Dans la philosophie moderne, le courant baptisé « phénoménologie » par son fondateur Husserl occupe une place essentielle en ce qui concerne la question du temps. Bien que Bergson ne soit pas phénoménologue, nous l’incluons dans cette partie dans la mesure où ses problématiques sont proches de celles des auteurs qui nous intéresserons par la suite, Husserl et Heidegger. Le problème du temps est le problème central de Bergson. Celui-ci s’oppose à la conception du temps présent dans le modèle physico-mathématique car ce dernier n’est qu’un temps abstrait : une suite d’instants à la fois identiques et extérieurs les uns aux autres, instants dénombrables qui ne partagent rien avec ce qui a lieu en eux, avec leur contenu. C’est donc un temps quantitatif et non qualitatif qu’offre la mécanique. Bergson dit que c’est un « temps spatialisé », c’est-à-dire pensé sous le modèle de l’espace. Bergson entend traiter du temps en décrivant directement les vécus de conscience, découverts notamment par l’introspection. C’est ainsi qu’il dévoile cette dimension qualitative du psychisme humain qui montre que le temps est une durée au sens où il y a une interpénétration des états de conscience « successifs », chacun d’eux conservant ce qui est venu avant lui tout en apportant quelque chose de nouveau. Le temps, ce n’est ainsi rien d’autre que le processus qualitatif d’évolution des états de conscience qui ne se laissent pas diviser en instants.

 

            Il y a selon Husserl deux façons de comprendre le temps. La première consiste à le penser comme un temps objectif dans lequel prennent place les phénomènes, ceci sans aucune intervention d’une quelconque subjectivité. La deuxième consiste à le penser comme temps interne, c’est-à-dire comme temps de la conscience. C’est à ce dernier que Husserl s’intéresse. Le présent n’est en aucun cas pour lui une pure instantanéité mais ne se laisse au contraire penser que selon les trois dimensions que sont le passé, le présent et le futur. À tout moment, écrit-il, il y a dans la conscience une présence des phénomènes passés tout comme il y a une anticipation ou une projection du futur. Il y a dans le présent une rétention du passé (rétention primaire si c’est un passé immédiat, rétention secondaire si c’est un souvenir plus lointain) et une protention du futur (de ce qui va immédiatement arriver).

 

            Évoquons enfin Heidegger dont l’ouvrage le plus célèbre se dénomme Être et temps. Notons pour commencer que les questions de l’Être et du Temps sont pour lui inséparables. Heidegger affirme que depuis les Grecs, l’Être a été compris comme « essence » ou « présence », c’est-à-dire à partir du présent. Au fur et à mesure, l’Être a même été entièrement figé dans le présent comme multiplicité de « maintenant » se succédant les uns aux autres. Sans entrer dans les détails, signalons tout de même que pour Heidegger, il ne s’agit pas là d’une décision purement théorique ; c’est parce que l’homme s’est enfermé dans l’existence quotidienne, dans l’impersonnalité, le on (« on dit que », « on pense que ») qu’en retour il a défini l’être comme être-présent. Par là, l’homme a manqué à la fois sa propre essence, ce que Heidegger appelle son pouvoir être le plus propre, et l’essence du temps. Le Dasein (mot employé par Heidegger pour penser l’essence de l’homme comme existence) est en effet sans cesse en quête de ses possibles, il se soucie toujours de ce qu’il peut être (c’est-à-dire qu’il est lié à son futur) ; il est également toujours attaché à son passé car il est « jeté » dans le monde sans être libre de choisir ce début. Il est enfin lié au présent par sa facticité, par le fait brut de son existence. Le temps n’est donc aucunement ce dans quoi vient se situer l’existence de l’homme comme se situe par exemple un cahier dans un tiroir. Au contraire, la temporalité est une dimension essentielle, inhérente de l’existence. C’est le Dasein lui-même qui est temporel. Il est donc le lieu de l’unité extatique (Heidegger pense l’existence au sens littéral comme extase, sortie hors de soi) du passé, du présent et du futur.

 

Ce qu’il faut retenir

 

-         Devenir ou immuabilité : Pour Héraclite, les choses du monde ne cessent de changer, elles sont soumises au devenir : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » Parménide, au contraire, affirme que l’Un est immobile, immuable. Platon prolonge sa pensée en disant qu’existe une éternité immobile et en définissant le temps comme l’image mobile de cette éternité.

 

-         Le temps comme nombre du mouvement : Aristote se demande si le temps dépend de la conscience humaine ou s’il a une existence indépendante. Bien que ce soit une caractéristique fondamentale du temps qu’il puisse être nombré, et que cette activité dépende de la conscience, nous savons que les choses se modifient sans notre intervention, qu’il y a non pas un chaos du monde mais un ordre de succession qui ne dépend pas de nous. C’est à partir du mouvement, en tant que principe de génération et de corruption des choses, en tant que principe de changement, que se forme la conception du temps.

 

-         L’éternel retour : Pour les stoïciens, c’est à partir du feu primitif que se forme le monde. Or, au bout d’un certain temps, ce même feu en vient à résorber toute chose en lui ; c’est la conflagration, la fin du monde. C’est aussi son recommencement à l’identique. Nietzsche pensera lui aussi l’éternel retour en lui donnant une dimension avant tout éthique, la pensée du retour du même devant pousser les hommes à accroître leur puissance. Nietzsche nous demande en effet d’agir comme si nos actes et leurs conséquences devaient se répéter à l’infini.

 

-         L’intuition immédiate du temps : Pour Pascal, le temps est un terme premier qui fait l’objet d’une intuition immédiate. Les hommes expérimentent tous le temps de la même manière. Le temps est  tellement lié au sentiment de notre existence que toute explication est inutile.

 

-         L’éternité : Spinoza affirme que puisque la nécessité, l’essence, la vérité ne sont pas soumises aux vicissitudes du temps (le vrai ne pouvant avoir été ou devenir faux), nous sommes nous-mêmes aptes à nous sentir éternels et à faire l’expérience de l’éternité lorsque nous nous attachons à la compréhension des choses nécessaires, universelles et donc intemporelles.

 

-         Une forme a priori de la sensibilité : Pour Kant, le temps n’est pas une substance ou une chose mais une forme de la connaissance humaine. Elle est un principe d’organisation  de toutes les expériences (extérieures et intérieures) que fait l’homme. C’est une forme a priori car elle précède les données sensibles et s’appliquent à elles. C’est une forme sensible car elle se donne comme intuition et non conceptualisation.

 

-         La durée : Pour Bergson, la conception physico-mathématique, quantitative, du temps faisant de celui-ci une suite d’instants identiques et extérieurs les uns aux autres est insatisfaisante. Il lui substitue une conception qualitative fondée sur les vécus psychiques qui montre que le temps est durée, chaque état de conscience étant inséparable des précédents, en ce sens qu’il les conserve  tout en y ajoutant quelque chose.

 

-         Rétention et protention : Husserl sépare le temps objectif du temps de la conscience. Dans ce dernier, le présent n’est jamais une pure instantanéité, il contient toujours du passé (sous la forme de rétentions) et du futur (sous la forme de protentions).

 

-         Temps et existence : Pour Heidegger, l’existence de l’homme ne prend pas place dans le temps (comme dans une boîte). L’existence elle-même est temporelle. Rien ne le montre mieux que l’attachement de l’homme à son futur, à ses possibilités, le souci qu’il a de ses projets de vie.

 

Indications bibliographiques

 

Aristote, Physique ; Saint Augustin, Confessions ; Bergson, Les données immédiates de la conscience, Matière et mémoire ; Heidegger, Être et temps ; Husserl, Phénoménologie de la conscience intime du temps ; Jankélévitch, L’irréversible et la nostalgie ; Kant, Critique de la raison pure ; Nietzsche, Le gai savoir ; Platon, Timée ; Spinoza, Éthique.