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A-t-on raison d'accuser la technique?

A-t-on raison d'accuser la technique? Sujets / La culture / La technique /

Un début de problématisation ...

    TECHNIQUE Comme le mot grec technĂŞ, "art", "habiletĂ©", "technique", dont il est dĂ©rivĂ©, le mot technique est d'abord synonyme d'art*, au sens de savoir-faire dont la mise en oeuvre permet d'obtenir volontairement un rĂ©sultat dĂ©terminĂ©. Ce savoir-faire peut dĂ©river soit de l'expĂ©rience* ordinaire et de l'imitation, soit de la connaissance de règles d'action codifiĂ©es, soit d'un savoir* scientifique. Ă€ la diffĂ©rence de l'activitĂ© artistique proprement dite, dont la finalitĂ© esthĂ©tique* est dĂ©sintĂ©ressĂ©e, la technique vise l'utilitĂ© et l'efficacitĂ©. Source et condition de la maĂ®trise de la nature par l'homme, la technique fait pourtant, et de plus en plus, l'objet de nombreuses critiques: ses consĂ©quences sur la vie et la nature inquiètent, sa puissance s'exercerait au dĂ©triment de celle de l'homme et de sa pensĂ©e, l'irrĂ©versibilitĂ© de ses progrès* menacerait ses concepteurs eux-mĂŞmes, qui pourraient en perdre la maĂ®trise. -Technique et humanitĂ© Ă€ la suite des nombreux philosophes qui, depuis Aristote*, ont analysĂ© la dĂ©pendance Ă©troite et rĂ©ciproque entre l'intelligence de l'homme et la fabrication d'outils pour transformer la matière Ă  son profit, les spĂ©cialistes de la prĂ©histoire (en particulier AndrĂ© Leroi-Gourhan, dans _Le Geste et la parole_) font de l'aptitude Ă  l'activitĂ© technique un critère essentiel d'humanitĂ©. La fabrication d'outils suppose en effet que l'on se reprĂ©sente mentalement l'action Ă  accomplir, la forme de l'outil la mieux appropriĂ©e Ă  la nature de cette action, le choix des matĂ©riaux les mieux adaptĂ©s, etc. La technique, comme le langage*, est indissociable de la pensĂ©e, donc de l'humanitĂ©. Si l'homme fait partie de la nature, ses relations avec elle sont ainsi, dès l'origine, mĂ©diatisĂ©es par un troisième terme, l'outil. Le seul usage de ses forces physiques, très infĂ©rieures Ă  celles des autres animaux, le condamnait Ă  une mort certaine: l'invention de ces prolongements de son corps que sont les outils fait bien plus qu'assurer sa survie, elle contribue Ă  le rendre "comme maĂ®tre et possesseur de la nature" (Descartes*). -Des discours contradictoires? Presque toujours associĂ©e au progrès de l'humanitĂ©, condition peu contestĂ©e de sa supĂ©rioritĂ© sur l'ensemble de la nature, la technique est pourtant volontiers, et depuis longtemps, dĂ©valorisĂ©e au profit de l'activitĂ© intellectuelle dĂ©sintĂ©ressĂ©e, de la culture esthĂ©tique ou littĂ©raire, de la science* pure. Racontant la vie d'Archimède (savant grec du III^e siècle avant J.-C.), Plutarque le prĂ©sente comme un mathĂ©maticien gĂ©nial qui mĂ©prisait plus que tout les activitĂ©s techniques, "choses sans noblesse et vils mĂ©tiers". Il aurait Ă©tĂ© "entraĂ®nĂ© malgrĂ© lui au bain" (dans lequel aurait Ă©tĂ© prononcĂ© le cĂ©lèbre "EurĂŞka!" consĂ©cutif Ă  la dĂ©couverte du principe dit d'Archimède). Il n'aurait conçu les machines de guerre extraordinaires qui ont failli valoir aux Grecs une victoire dĂ©cisive sur les Romains que pour s'amuser un peu... Le statut social et Ă©conomique du travail* manuel dans notre sociĂ©tĂ© est encore très infĂ©rieur Ă  celui des activitĂ©s auxquelles prĂ©parent les formations dominĂ©es par la culture gĂ©nĂ©rale ou scientifique. Ă€ l'exception de quelques-uns, les philosophes du XX^e siècle, pourtant caractĂ©risĂ© par un accroissement considĂ©rable du progrès scientifique et technique, ont par ailleurs peu pensĂ© la technique pour elle-mĂŞme, au nom de la neutralitĂ© des outils, traitĂ©s comme de simples instruments de l'action. S'ils s'intĂ©ressent Ă  l'intelligence des sujets agissant Ă  travers la technique, presque tous dĂ©plorent leur sentiment d'impuissance devant ces outils "trop" perfectionnĂ©s que sont les machines*. "L'outil le plus raffinĂ© reste au service de la main qu'il ne peut ni guider ni remplacer. La machine la plus primitive guide le travail corporel et Ă©ventuellement le remplace tout Ă  fait" (Hannah Arendt*). -Ambivalence du progrès technique FormulĂ© dès le XIX^e siècle par Karl Marx*, le problème est, en fait, que la technique n'est pas neutre. MaĂ®trisĂ©e par une minoritĂ©, concepteurs et propriĂ©taires des machines qui accroissent l'efficacitĂ© du travail humain, ou auteurs d'inventions susceptibles de concurrencer, voire de dĂ©truire, la nature elle-mĂŞme, la technique peut devenir l'instrument de la domination de cette minoritĂ© sur la majoritĂ© de leurs congĂ©nères (cf. la critique marxiste de l'aliĂ©nation* des travailleurs manuels). PensĂ©e comme une association utile entre les hommes et les machines, la technique peut au contraire apparaĂ®tre Ă  nouveau comme l'instrument par excellence de la domination raisonnable de la nature par l'humanitĂ©: "L'homme a pour fonction d'ĂŞtre le coordinateur et l'inventeur permanent des machines qui sont autour de lui. Il est parmi les machines qui opèrent avec lui", Ă©crit Gilbert Simondon, l'un des philosophes contemporains Ă  avoir dĂ©veloppĂ© une pensĂ©e positive de l'objet technique -conçu comme mĂ©diateur entre le genre humain et le monde. Ă€ ce deuxième cas de figure s'oppose une troisième attitude, motivĂ©e par les menaces que, de fait, le progrès technique fait peser sur l'Ă©quilibre de la nature et de la vie elle-mĂŞme: l'inquiĂ©tude de ceux qui voient dans son "caractère impĂ©rieux et conquĂ©rant" (Heidegger*) une sorte d'essence intrinsèquement dangereuse de la technique. Certains penseurs contemporains (comme Hans Jonas*), vont jusqu'Ă  penser que l'humanitĂ© ne survivra que si la peur l'emporte, d'oĂą l'idĂ©e d'une "dictature bienveillante", susceptible d'imposer une nouvelle Ă©thique* et une vĂ©ritable politique de responsabilitĂ©*. La technique, après avoir longtemps et incontestablement contribuĂ© Ă  la survie de l'humanitĂ©, est, semble-t-il, en train de devenir l'une de ses prĂ©occupations majeures. Aujourd'hui, la maĂ®trise de son avenir passe sans doute moins par l'invention de machines de plus en plus complexes, que par le dĂ©veloppement d'une rĂ©flexion de plus en plus vigilante au sujet de la technique. TEXTES CLÉS: M. Heidegger, "La question de la technique" in Essais et confĂ©rences; G. Simondon, Du mode d'existence des objets techniques; H. Jonas, Le Principe responsabilitĂ©; J.-P. SĂ©ris, La Technique. TERME VOISIN: technologie. CORRÉLATS: machine; progrès; travail.
Le fait que la technique se soit constituée autour de certaines connaissances rationnelles a des répercussions importantes sur l'activité technicienne. Étant, dans de nombreux cas, rationnellement articulée, celle-ci se traduit par des séquences motrices plus ou moins stéréotypées, générant chacune des effets réguliers, constants, et pouvant, pour cette raison, être exécutées à l'aide d'outils remplaçant partiellement ou entièrement la main de l'homme -comme les machines. La technique implique donc le plus souvent l'invention et l'usage d'outils. Aussi, ne faut-il pas s'étonner que les historiens des techniques se soient intéressés aussi bien à l'analyse des technologies propres aux diverses techniques qu'à l'étude de l'évolution des instruments utilisés par celles-ci.
TECHNIQUE INDUSTRIELLE - Technique de production mettant en oeuvre une division du travail méthodique entre un grand nombre d'ouvriers. La technique industrielle repose principalement sur des connaissances de nature intellectuelle voire scientifique.
TECHNOCRATIE - Désigne l'exercice du pouvoir politique par des experts dont la légitimité se fonde sur la seule compétence technique. Le technocrate donne la priorité aux solutions techniques, efficaces, des problèmes et néglige les réalités humaines. La technocratie se manifeste concrètement comme le gouvernement de la société par les membres de la haute administration, qui tendent à prendre anonymement des décisions en fonction de l'avis de personnes compétentes ou réputées telles dans un domaine spécialisé d'activité sociale.

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Citations sur A-t-on raison d'accuser la technique? :

puce Le mystère des choses est la source de toute cruauté à l'égard des hommes... Dans cette perspective la technique est moins dangereuse que les génies du Lieu... La technique nous arrache au monde heideggerien et aux superstitions du Lieu. Dès lors une chance apparaît: apercevoir les;hommes en dehors de la situation où ils sont campés, laisser luire le visage humain dans sa nudité. - E. Levinas
puce Que si la Raison, en dépit de ses réclamations contre l'Ecriture, doit cependant lui être entièrement soumise, je le demande, devons nous faire cette soumission parce que nous avons une raison, ou sans raison et en aveugles? Si c'est sans raison, nous agissons comme des insensés et sans jugement; si c'est avec une raison, c'est donc par le seul commandement de la Raison que nous adhérons à l'Ecriture, et donc si elle contredisait à la Raison, nous n'y adhérerions pas. - Benedict (Baruch) Spinoza
puce Il y a certaine volupté à s’accuser soi-même. Dès que nous nous blâmons, il nous semble que personne autre n’a plus le droit de le faire. - Oscar Wilde
puce Alunissage : Procede technique consistant a deposer des imbeciles sur un reve enfantin. - Pierre Desproges
puce Il y a toujours deux raisons pour faire quelque chose : une bonne raison, et la vraie raison. - Dale Carnegie